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Naissance | |
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Décès |
(à 81 ans) 6e arrondissement de Paris |
Sépulture |
Cimetière du Montparnasse |
Nom de naissance |
Marguerite Germaine Marie Donnadieu |
Pseudonyme |
Marguerite Duras |
Nationalité |
française |
Domicile |
Paris |
Formation |
Université de Paris (licence en droit et diplôme d'études supérieures) École technique Scientia (d) |
Activités |
Écrivaine, journaliste, militante pour les droits des femmes, philosophe, dramaturge, scénariste, romancière, réalisatrice de cinéma, réalisatrice |
Mère |
Marie Donnadieu-Legrand (d) |
Conjoints |
Robert Antelme () Dionys Mascolo (de à ) |
Enfant |
Jean Mascolo |
A travaillé pour |
Elle Libération |
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Parti politique |
Parti communiste français (jusqu'en ) |
Mouvement |
Nouveau roman |
Personne liée |
Charles Delval (d) |
Distinctions |
Grand prix du théâtre de l'Académie française () Prix Goncourt () Prix de l'État autrichien pour la littérature européenne () |
Archives conservées par |
Institut mémoires de l'édition contemporaine (76DRS) |
L'Amant, Moderato cantabile, Un barrage contre le Pacifique, Le Ravissement de Lol V. Stein, Le Vice-Consul |
Marguerite Duras (/dy.?as/) ? nom de plume de Marguerite Donnadieu ? est une écrivaine, dramaturge, scénariste et réalisatrice française, née le à Gia ??nh près de Saïgon, alors en Indochine française, et morte le à Paris.
Par la diversité et la modernité de son ?uvre, qui renouvelle le genre romanesque et bouscule les conventions théâtrales et cinématographiques, elle est une figure majeure de la littérature de la seconde moitié du XX siècle.
Elle est révélée par un roman d'inspiration autobiographique, Un barrage contre le Pacifique. Associée, dans un premier temps, au mouvement du Nouveau Roman, elle publie ensuite régulièrement des romans qui font connaître sa voix particulière avec la déstructuration des phrases, des personnages, de l'action et du temps, et ses thèmes comme l'attente, l'amour, la sensualité féminine ou l'alcool : Moderato cantabile (1958), Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), Le Vice-Consul (1966), La Maladie de la mort (1982), Yann Andréa Steiner (1992), dédié à son dernier compagnon Yann Andréa ? qui, après sa mort, deviendra son exécuteur littéraire ? ou encore Écrire (1993).
Elle rencontre un immense succès public avec L'Amant, prix Goncourt en 1984, autofiction sur les expériences sexuelles et amoureuses de son adolescence dans l'Indochine des années 1930, qu'elle réécrira en 1991 sous le titre de L'Amant de la Chine du Nord.
Elle écrit aussi pour le théâtre, souvent des adaptations de ses romans comme Le Square paru en 1955 et représenté en 1957, ainsi que de nouvelles pièces, telle Savannah Bay en 1982, et pour le cinéma : elle écrit en 1959 le scénario et les dialogues du film Hiroshima mon amour d'Alain Resnais, qui lui vaut d'être nommée pour l'Oscar du meilleur scénario original à la 33 cérémonie des Oscars et dont elle publie la transcription en 1960. Elle réalise elle-même des films originaux comme India Song, en 1975, avec Delphine Seyrig, Le Camion, en 1977, avec Gérard Depardieu, ou encore Les Enfants, en 1985, avec Daniel Gélin.
Ses parents se portent volontaires pour travailler dans la colonie de Cochinchine. Son père, Henri Donnadieu (certains lui donnent comme prénom « Émile »), est directeur de l'école de Gia ??nh, banlieue nord de la Saïgon d'alors, aujourd'hui quartier du district de Binh Thanh de Hô Chi Minh-Ville. Sa mère, Marie Donnadieu-Legrand (1877-1956), est institutrice. Ils ont trois enfants, Pierre, Paul et Marguerite. Ignorant les préjugés raciaux et bravant les interdits sociaux, les enfants jouent et se lient avec leurs semblables « indigènes » et, contrairement à leurs parents, parlent vietnamien.
Gravement malade, son père part en métropole pour y être hospitalisé. Il y meurt le , à l'âge de quarante-neuf ans. Il est inhumé dans le petit cimetière de Lévignac-de-Guyenne, près de Duras, en Lot-et-Garonne.
Son épouse bénéficie d'un congé administratif et retourne en métropole avec ses trois enfants. Ils habitent pendant deux ans dans la maison familiale du Platier, dans la commune de Pardaillan, près de Duras. En juin 1924, Marie Donnadieu repart avec ses enfants rejoindre sa nouvelle affectation à Phnom Penh, au Cambodge. Elle ne veut pas y rester et elle est envoyée à V?nh Long. C'est là que la petite Marguerite, enthousiaste, apprend le piano. Son professeur, une collègue de sa mère, bâcle les leçons et la déclare inapte. L'écrivaine s'en souviendra dans Moderato cantabile. Sa mère est ensuite affectée à Sa ?éc.
En 1926, Marie perçoit enfin le premier versement de sa pension de réversion. En 1927, lasse de cette vie de nomade, elle achète, poussée par l'administration coloniale, pour ses fils, une friche du district rural de Prey-Nop, à quatre-vingts kilomètres de Kampot, au Cambodge. La culture de ce polder régulièrement inondé par les hautes marées ne donne rien, à cause des infiltrations de sel, et Marie, ruinée, doit reprendre l'enseignement. Cette expérience marquera profondément Marguerite et va lui inspirer nombre d'images fortes de son ?uvre (Un barrage contre le Pacifique, L'Amant, L'Amant de la Chine du Nord, L'Éden Cinéma).
En 1928, elle est inscrite en classe de troisième au collège puis au lycée Chasseloup-Laubat de Saïgon (aujourd'hui lycée Lê Quý ?ôn), pour suivre des études secondaires. Sa mère ambitionne pour sa fille l'enseignement des mathématiques. L'internat du lycée étant réservé aux garçons, Marguerite entre alors, rue Barbé (rue Lê Quý ?ôn), dans une pension dirigée par une amie de sa mère.
En 1931, après la vente de la propriété familiale du Platier, sa mère rachète un appartement de la Ville de Paris au 16, avenue Victor-Hugo à Vanves, dans la banlieue sud de la capitale. Elle obtient un congé administratif. Raison invoquée auprès de l'administration : l'état de santé de son fils Pierre, dépendant à l'opium, renvoyé à Paris en 1929.
Marguerite poursuit ses études en France, dans une école privée, l'école technique Scientia à Auteuil, dans le 16 arrondissement de Paris sous la direction de Charles-Jérémie Hemardinquer. Printemps 1932, Marguerite tombe enceinte. La famille du jeune homme, assez fortunée, arrangera l'avortement (d'où la signature, en 1971, du fameux Manifeste des 343). Elle est reçue à la première partie du baccalauréat, choisissant comme langue vivante en série B le vietnamien qu'elle maîtrise parfaitement depuis l'enfance. En vacances, elle découvre Trouville-sur-Mer et la côte normande qu'elle retrouvera plus tard en 1963.
De retour à Saïgon fin 1932, sa mère est nommée professeure à l'École primaire supérieure des garçons, elle achète une villa dans le quartier européen, 141, rue de la Testard, à proximité du lycée ainsi qu'une voiture. Marguerite passe les épreuves de la deuxième partie du baccalauréat, option Philosophie au lycée Chasseloup-Laubat.
Automne 1933, munie d'une bourse, la jeune femme quitte l'Indochine définitivement pour la métropole s'inscrivant à la faculté de droit de Paris, rue Saint-Jacques. Marguerite s'installe dans une pension de famille. Par ailleurs, elle mène de front des études de mathématiques et dit suivre des cours de mathématiques spéciales, en parallèle, à la faculté des Sciences.
En , elle fait la connaissance de Robert Antelme, étudiant en droit, fils de sous-préfet et de milieu bourgeois.
Après avoir obtenu une licence en droit public, elle poursuit un cursus juridique et économique à l'université, (et non pas, malgré la légende, à l'École libre des sciences politiques), et obtient un double diplôme d'études supérieures (DES) de droit public et d'économie politique. Elle trouve un emploi comme secrétaire au service d'information du ministère des Colonies début juin 1937. Robert Antelme est mobilisé dans l'armée à la fin de l'été suivant. Donnadieu et Antelme se marient le .
Marguerite Donnadieu cosigne au printemps 1940, avec Philippe Roques, L'Empire français, une commande de propagande du ministre des Colonies Georges Mandel dans laquelle est cité Jules Ferry : « On ne peut pas mêler cette race jaune à notre race blanche », il est du devoir « des races supérieures de civiliser les races inférieures ». Retenant que l'indigénat a été aboli en 1903 en Indochine mais occultant que l'Empire reste divisé entre « citoyens » et « sujets », elle affirme dans un article sur le même sujet publié dans l'Illustration : « Notre conception impériale est, en effet, la négation même du racisme. La France a donné à tous ses sujets d'outre-mer, sans faire de distinction entre les races, les mêmes possibilités de développement et les mêmes espoirs. L'indigène n'a jamais été traité en vaincu ; non seulement nous avons des devoirs envers lui, mais nous lui reconnaissons des droits sociaux et politiques et surtout celui d'acquérir des connaissances nouvelles. Certes, ce n'est pas à lui qu'il appartient de décider à quel moment il pourra user de ses capacités. C'est à nous, au moment voulu, d'alléger notre tutelle ». Marguerite Duras désavouera ensuite ce livre signé Marguerite Donnadieu. Elle démissionne du ministère des colonies en novembre 1940. Dans la capitale occupée, Robert Antelme est engagé à la préfecture de police de Paris. Marguerite est enceinte et accouche d'un garçon mort-né. En 1942, elle est recrutée comme secrétaire générale du Comité d'organisation du livre.
Le couple s'installe 5, rue Saint-Benoît, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Au COIACL, elle préside, sous le contrôle des autorités allemandes, un comité de lecteurs chargé d'autoriser, ou non, l'attribution aux éditeurs agréés par Vichy d'un quota de papier, lequel par ailleurs est rationné. C'est là qu'elle fait la connaissance de Dominique Aury et de Dionys Mascolo qui devient son amant. Au mois de décembre, elle apprend la mort de son frère Paul, en Indochine.
En 1943, l'appartement du couple devient un lieu de rencontres informelles où des intellectuels comme Jorge Semprún discutent littérature et politique, le groupe de la rue Saint-Benoît. Marguerite se met à l'écriture et publie son premier roman Les Impudents. Elle le signe du nom de Duras, le village où se trouve la maison paternelle. Robert, Dionys et elle-même, se mettant au service de la Résistance, se lient à François Mitterrand, alias Morland, qui dirige le RNPG, réseau qui fabrique des faux papiers pour les prisonniers de guerre évadés.
Ainsi, Marguerite Duras affirmera toujours avoir été entriste vis-à-vis de la Collaboration. Au COIACL, elle représente Bernard Faÿ, directeur toujours absent et acteur majeur de la persécution des francs-maçons. Elle entretient des relations professionnelles avec le principal assistant de Karl Epting, le professeur de philosophie « francophile » et lieutenant détaché Gerhard Heller. Elle s'affiche chez l'écrivain pro-hitlérien Ramon Fernandez, dont la femme, Betty, anime un brillant salon.
Le , son groupe tombe dans un guet-apens. Robert Antelme est arrêté par la Gestapo, tandis que Marguerite Duras s'échappe. Au lendemain du débarquement des alliés, elle apprend que son mari a été emmené à Compiègne d'où partent les trains pour les camps de concentration. Robert est déporté à Buchenwald et ensuite à Dachau. Marguerite entretient une relation ambiguë avec Charles Delval, l'agent de la Gestapo qui a fait arrêter son mari et qu'elle affirme avoir séduit pour sauver ce dernier.
À la Libération, elle cherchera à faire arrêter Delval, qui sera condamné à mort et exécuté en février 1945. En août 1944, Paris est libéré. Début septembre, Betty Fernandez est tondue et internée avec Marie Laurencin à Drancy par les gendarmes français ; le , Marguerite les fait libérer. Betty sera un personnage de L'Amant, l'épuration des maîtresses de soldats allemands étant le sujet central de Hiroshima mon amour.
À cette époque, elle écrit les Cahiers de la Guerre qui serviront de contenu au livre La Douleur publié en 1985. À l'automne, elle s'inscrit au Parti communiste français ; son nouveau roman, La Vie tranquille, est publié en décembre. Marguerite attend le retour de son époux. Alors que la Libération se poursuit, Dionys, en avril 1945, informé par Mitterrand, va chercher Robert au camp de Dachau et le trouve moribond. Ces douze mois durant lesquels elle le soigne, avec le secours d'un médecin, Marguerite Duras les racontera dans La Douleur.
En 1945, elle fonde avec son mari les éphémères éditions de la Cité Universelle, qui publieront trois ouvrages : L'An zéro de l'Allemagne d'Edgar Morin (1946), les ?uvres de Saint-Just, présenté par Dionys Mascolo (1946) et L'Espèce humaine de Robert Antelme (1947). Le couple divorce le . Duras épouse Dionys Mascolo, dont elle se sépare quelques années après. Leur fils Jean ? surnommé « Outa » ? naît le .
En 1950, elle subit la chasse aux intellectuels. La guerre d'Indochine contraint la mère de Marguerite à revenir en France. Début mars, un des camarades, qui serait Jorge Semprún, dénonce Marguerite Duras auprès du Comité central du PCF : elle aurait, lors d'une soirée en compagnie d'autres écrivains, formulé de nombreuses critiques à l'égard de Louis Aragon. Il lui est reproché des « inconvenances envers certains membres du parti et une ironie trop appuyée ».
Un soupçon généralisé s'installe et Marguerite Duras décide de ne plus reprendre sa carte de militante. Elle déclare que le parti cherche à salir sa réputation en lui donnant une image sulfureuse. Dès lors, « les rumeurs » se multiplient : esprit politique pervers, Duras serait aussi une traînée qui fréquente assidûment les boîtes de nuit [?], une traîtresse du parti, une décadente petite-bourgeoise ».
Le , elle reçoit une lettre qui lui signifie son exclusion pour tentative de sabotage du parti par usage de l'insulte et de la calomnie, fréquentation de trotskistes et fréquentation des boîtes de nuit. Dans une ultime lettre adressée au parti, elle écrit : « Je reste profondément communiste. Ai-je besoin de dire dans ces conditions que je ne m'associerai jamais à rien qui puisse nuire au Parti ? » Son mari Robert Antelme sera lui aussi exclu.
Malgré sa rupture avec le parti communiste, Marguerite Duras s'engage dans de nombreuses causes : le féminisme, la lutte contre la guerre d'Algérie et la revendication du droit à l'avortement. La même année, son roman d'inspiration autobiographique, Un barrage contre le Pacifique, paraît en juin. Il est sélectionné pour le prix Goncourt mais n'obtient qu'une voix.
En 1954, elle participe au comité des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie.
Dans les années 1950, Marguerite Duras collabore également au magazine Constellation, sous le pseudonyme de Marie-Joséphine Legrand.
Les romans qu'elle publie dans les années 1950 sont relativement traditionnels, comparativement à sa production romanesque postérieure. À cette époque, ses écrits sont également marqués par l'influence du roman américain.
Elle se sépare de Dionys Mascolo en 1956 et rencontre Gérard Jarlot, journaliste à France-Dimanche, en 1957, année où meurt sa mère. Jarlot travaille avec elle pour diverses adaptations cinématographiques et théâtrales. Pour la première fois, l'un de ses romans est adapté au cinéma, le Barrage contre le Pacifique que réalise René Clément.
En 1958, elle travaille pour des cinéastes en écrivant le scénario de Hiroshima mon amour avec Alain Resnais, puis celui d'Une aussi longue absence pour Henri Colpi. La même année, elle participe à la revue Le 14 juillet fondée par Dionys Mascolo, en opposition à la prise de pouvoir par le général de Gaulle.
En automne 1960, elle milite activement contre la guerre d'Algérie, et signe le Manifeste des 121, déclaration sur le « droit à l'insoumission ». La même année, elle devient membre du jury du prix Médicis. En 1961, sa relation avec Gérard Jarlot prend fin. En 1963, elle achète un appartement dans l'ancien hôtel « Les Roches noires » à Trouville-sur-Mer.
Elle connaît son premier succès au théâtre avec Des journées entières dans les arbres, joué par Madeleine Renaud en 1965. Ses talents multiples la font maintenant reconnaître dans trois domaines : littérature, cinéma et théâtre. Elle met en scène des personnages puisés dans la lecture des faits divers. Elle innove sur le déplacement des acteurs, sur la musicalité des mots et des silences. Fatiguée par l'alcool, elle fait une cure et arrête de boire. Pendant les « évènements » de mai 1968, elle se trouve en première ligne aux côtés des étudiants contestataires et participe activement au comité des écrivains-étudiants.
Marguerite Duras aborde la réalisation cinématographique parce qu'elle est insatisfaite des adaptations que l'on fait de ses romans. Elle tourne en 1966 son premier film La Musica, coréalisé avec Paul Seban, puis Détruire, dit-elle, en 1969. Ce titre évocateur définit son cinéma : celui du jeu des images, des voix et de la musique. « Ce n'est pas la peine d'aller à Calcutta, à Melbourne ou à Vancouver, tout est dans les Yvelines, à Neauphle. Tout est partout. Tout est à Trouville [?] Dans Paris aussi j'ai envie de tourner, [?] L'Asie à s'y méprendre, je sais où elle est à Paris? » (Les Yeux verts).
Le , elle signe, avec notamment Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig et Jeanne Moreau, le Manifeste des 343, réclamant l'abrogation de la loi de 1920 interdisant l'avortement et toute contraception.
En 1977, elle est l'un des rares intellectuels sollicités pour signer la pétition concernant la majorité sexuelle écrite par Gabriel Matzneff, ce qu'elle refuse de faire.
Elle tourne ensuite Nathalie Granger, dans sa maison de Neauphle-le-Château, India Song, dans le Palais Rothschild à Boulogne, avec la musique de Carlos d'Alessio. Comme dans son travail pour le théâtre, elle réalise des ?uvres expérimentales. Par le décalage entre l'image et le texte écrit, elle veut montrer que le cinéma n'est pas forcément narratif : La Femme du Gange est composé de plans fixes, Son nom de Venise dans Calcutta désert est filmé dans les ruines désertes du palais Rothschild en reprenant la bande son d'India Song, Les Mains négatives, où elle lit son texte sur des vues de Paris désert la nuit. La limite extrême est atteinte dans L'Homme atlantique, avec sa voix sur une image complètement noire pendant trente minutes sur quarante. Après un voyage en Israël, en 1978, elle réalise Césarée, où elle évoque la ville antique sur des images du jardin des Tuileries.
Duras vit alors seule dans sa maison de Neauphle-le-Château. Depuis 1975, elle a renoué périodiquement avec l'alcool. Elle rencontre Jean Pierre Ceton au festival de cinéma de Hyères 1979 qui lui parle d'un groupe d'amis de Caen (dont Yann). Elle préfacera son premier roman Rauque la ville. En 1980, elle est transportée à l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye et reste hospitalisée pendant cinq semaines. À son retour, elle écrit à Yann Lemée, un jeune admirateur rencontré cinq ans plus tôt à Caen ? à l'issue d'une projection-débat d'India Song.
Après six mois d'abstinence, elle sombre une nouvelle fois dans l'alcool. Serge July, rédacteur en chef de Libération, lui propose d'y tenir une chronique hebdomadaire tout l'été. Un soir, Yann Lemée lui téléphone. Ils se retrouvent à Trouville-sur-Mer. Elle l'héberge, en fait son compagnon et lui donne le nom de Yann Andréa. Marguerite Duras vit avec le jeune homme ? bisexuel et de trente-huit ans son cadet ? une relation à la fois passionnée et tourmentée. Yann Andréa, qui est à la fois le compagnon et le secrétaire particulier de Marguerite Duras, restera auprès d'elle jusqu'à sa mort en 1996 : il racontera ensuite l'histoire de leur relation dans le livre Cet amour-là.
En 1981, elle se rend au Canada pour une série de conférences de presse à Montréal et filme L'Homme atlantique en prenant son compagnon comme acteur. Parce que sa main tremble, Yann écrit sous sa dictée La Maladie de la mort. Elle accepte de faire une cure de désintoxication à l'hôpital américain de Neuilly en octobre 1982. L'année suivante, Duras dirige Bulle Ogier et Madeleine Renaud dans la pièce de théâtre, Savannah Bay, qu'elle a écrite pour cette dernière.
En 1984, L'Amant est publié et obtient le prix Goncourt. C'est un succès mondial. Il fait d'elle l'un des écrivains vivants les plus lus.
En 1985, elle suscite l'hostilité et déclenche la polémique en prenant position dans une affaire judiciaire qui passionne l'opinion publique : l'affaire Grégory Villemin. En effet, dans une tribune à la limite du délire publiée par le quotidien Libération du 17 juillet, elle se montre convaincue que la mère, la « sublime, forcément sublime Christine V. », est coupable du meurtre de son enfant, trouvé noyé dans la Vologne en octobre 1984.
La même année, elle réalise des entretiens avec François Mitterrand pour le périodique L'Autre Journal, à l'initiative de son directeur Michel Butel. Le premier a lieu chez l'écrivaine, rue Saint-Benoît, puis les rendez-vous se poursuivent à l'Elysée. Duras voudrait en faire un livre, intitulé Le bureau de poste de la rue Dupin, mais le Président cesse de la convier, finissant par se méfier du projet.
De nouveau prisonnière de l'alcool, elle tente en 1987 de donner une explication à son alcoolisme dans son livre La Vie matérielle.
Après avoir vainement tenté l'expérience chez Gallimard et Minuit, Marguerite Duras devient éditrice aux éditions P.O.L, au sein desquelles elle dirige une collection littéraire nommée « Outside ». Paul Otchakovsky-Laurens, directeur de la maison, déclare : « L'idée est venue tout naturellement. Elle me disait qu'elle voulait aider de jeunes auteurs à se faire connaître. Elle voulait les publier et les protéger. Je lui ai donné carte blanche. » Après avoir aidé à la publication des ?uvres de Jean Pierre Ceton, Catherine de Richaud et Nicole Couderc, l'expérience cesse en raison de désaccords littéraires entre Duras et la maison P.O.L.
En mai 1987, Marguerite Duras, citée comme témoin au procès de Klaus Barbie, refuse de comparaître. En juin de la même année, elle publie La Vie matérielle, suivi en septembre par Emily L.
L'Amant devient un projet de film du producteur Claude Berri. À la demande de ce dernier, elle s'attelle à l'écriture du scénario, bientôt interrompu par une nouvelle hospitalisation, le . Souffrant de crises d'emphysème, elle subit une trachéotomie et est plongée dans un coma artificiel dont elle ne sortira que cinq mois plus tard.
Pendant ce temps, le réalisateur Jean-Jacques Annaud est contacté, accepte de réaliser le film et en commence l'adaptation. Marguerite Duras sort de l'hôpital en automne 1989 et reprend le projet en cours, après une rencontre avec le cinéaste. Mais la collaboration tourne court et le film se fait sans elle. Se sentant dépossédée de son histoire, elle s'empresse de la réécrire : L'Amant de la Chine du Nord est publié en 1991, juste avant la sortie du film. Duras a désormais des difficultés physiques pour écrire. Cependant d'autres livres paraissent ; ils sont dictés ou retranscrits. C'est le cas de Yann Andréa Steiner (1992) et d'Écrire (1993).
En 1995 paraît l'ultime opus C'est tout, un ensemble de propos recueillis par Yann Andréa (réédition définitive, 1999). La même année, Le Square entre au répertoire de la Comédie-Française.
Le dimanche , à huit heures, Marguerite Duras meurt au troisième étage du 5, rue Saint-Benoît. Elle allait avoir quatre-vingt-deux ans. Les obsèques ont lieu le 7 mars en l'église Saint-Germain-des-Prés. Elle est enterrée au cimetière du Montparnasse. Sur sa tombe figurent son nom de plume, deux dates et ses initiales : M D. Lorsque Yann Andréa meurt en 2014, il est enterré à ses côtés ; la pierre tombale porte leurs deux noms.
Devenue « un mythe littéraire et même une mythologie », Marguerite Duras fait partie des auteurs français les plus connus de par le monde. Certains de ses textes sont traduits dans plus de 35 langues (dont le géorgien, le cingalais et l'arménien). L'ensemble des ?uvres, édité par Gallimard, approchait en 2008 les 5 millions d'exemplaires écoulés.
L'Amant, traduit dans 35 pays, s'est vendu toutes éditions confondues, en 2011, à plus de 2 400 000 exemplaires.
En 2001 sort au cinéma Cet amour-là, réalisé par Josée Dayan, un film biographique des dernières années de la vie de Marguerite Duras, librement adapté du témoignage éponyme de Yann Andréa.
En 2002, Savannah Bay entre au répertoire de la Comédie-Française.
Lors de la session 2005-2006, Le Ravissement de Lol V. Stein et Le Vice-Consul sont au programme de l'agrégation de lettres modernes.
En 2007, est retrouvé un roman, Caprice, publié en 1944 sans nom d'auteur et identifié par Dominique Noguez comme étant l'« un de ces romans écrits pendant la guerre « pour acheter du beurre au marché noir », dont Duras parlait elle-même dans l'avant-propos d'Outside en 1980 ».
Le a lieu l'inauguration du lycée français international Marguerite-Duras, à Hô Chi Minh-Ville.
En , Marguerite Duras fait son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade. Deux premiers volumes rassemblant les écrits de 1943 à 1973 sont dès lors publiés. Les tomes III et IV, qui rassemblent l'ensemble des écrits de 1973 à 1996 ainsi que de nombreux textes inédits, paraissent en 2014, accompagnés d'un album consacré à l'auteur.
En 2013, les studios Tale of Tales commercialisent un jeu vidéo, Bientôt l'été, fondé sur l'?uvre et la personnalité de Marguerite Duras.
En 2014, à l'occasion du centenaire de sa naissance, des textes inédits paraissent, dont Le Livre dit et Deauville la mort. La presse note alors : « Duras est morte il y a dix-huit ans mais elle vit toujours, intensément, à travers ses textes et à travers ceux, nombreux, qui s'en inspirent ».
Par ailleurs, de nombreuses personnalités littéraires évoquent l'influence de Marguerite Duras sur leurs ?uvres littéraires : Christine Angot, Guillaume Dustan, Camille Laurens ou encore Marie Darrieussecq et Philippe Besson.