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Naissance | Montauban |
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Décès |
(à 45 ans) Paris (Première République française) |
Nom de naissance |
Marie Gouze |
Pseudonyme |
Olympe de Gouges |
Nationalité |
française |
Activités |
Dramaturge, écrivaine, philosophe, journaliste, femme politique |
Conjoint |
Louis Aubry (d) (à partir de ) |
Enfant |
Pierre Aubry de Gouges (d) |
Parti politique |
Girondins |
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Membre de |
Cercle social () |
Condamnée pour |
Trahison |
Archives conservées par |
Institut Atria pour l'histoire des femmes (en) |
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Zamore et Mirza ou l'Esclavage des Noirs |
Olympe de Gouges, de son nom de naissance Marie Gouze, née le à Montauban et morte guillotinée le à Paris, est une femme de lettres, dramaturge et femme politique française. Rédactrice en 1791 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits et pamphlets en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l'abolition de l'esclavage des Noirs dans les colonies. Elle est considérée comme l'une des pionnières françaises du féminisme, et est souvent prise pour emblème par les mouvements pour la libération des femmes.
Née dans le Sud-Ouest de la France, Olympe de Gouges commence sa carrière de dramaturge à Paris dans les années 1780. Défenseuse des droits de l'homme, elle est l'une des premières figures publiques à s'opposer à l'esclavage en France. Ses pièces de théâtre et ses pamphlets couvrent un large éventail de sujets, notamment le divorce et le mariage, les droits de l'enfant, le chômage et la sécurité sociale. Elle accueille favorablement le déclenchement de la Révolution française, mais s'estime déçue lorsque l'égalité des droits n'est pas accordée aux femmes. En 1791, en réponse à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, elle publie sa propre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dans laquelle elle remet en question la pratique de l'autorité masculine et plaide en faveur de l'égalité des droits pour les femmes.
De Gouges était associée aux Girondins modérés et s'opposait à l'exécution de Louis XVI. Ses écrits de plus en plus véhéments, qui attaquaient les Montagnards radicaux de Maximilien de Robespierre et le gouvernement révolutionnaire sous la Terreur, ont conduit à son arrestation et à son exécution par la guillotine en 1793.
Née le à Montauban et baptisée le lendemain en l'église Saint-Jacques de Montauban, Marie Gouze a été déclarée fille de Pierre Gouze, maître boucher et bourgeois de Montauban? étant absent, il n'a pas signé le registre de baptême ?, et d'Anne Olympe Mouisset, fille d'un avocat issu d'une famille de marchands drapiers, mariés en 1737.
Sa famille maternelle, la famille Mouisset, est très liée aux Lefranc de Pompignan, une famille de la noblesse de robe de Montauban. Le grand-père maternel d'Olympe, Jacques Mouisset, a été le précepteur de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan ; sa grand-mère maternelle Anne Marty a été la nourrice de Jean-Georges Lefranc de Pompignan, son frère et futur évêque du Puy-en-Velay. Jean-Jacques Lefranc de Pompignan est le parrain d'Anne Olympe Mouisset, baptisée le .
Anne Olympe Mouisset et Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, de cinq ans son aîné, grandissent ensemble et nouent des liens affectifs qui contraignent leurs parents à mettre de la distance entre eux, une alliance entre une famille bourgeoise et une famille de la noblesse étant inconcevable ; lui est envoyé à Paris, et elle est mariée à Pierre Gouze. Jean-Jacques Lefranc de Pompignan revient en 1747 à Montauban comme président de la Cour des Aides ; il est peut-être alors l'amant d'Anne Olympe Gouze, qui donne naissance à Marie l'année suivante. Selon le député Jean-Baptiste Poncet-Delpech et d'autres, « tout Montauban » sait que Lefranc de Pompignan est le père adultérin de la future Marie-Olympe de Gouges.
En 1765, à l'âge de dix-sept ans, Marie Gouze est mariée par ses parents à Louis-Yves Aubry, à qui la légende a donné trente ans de plus qu'elle, mais qui était jeune selon ses biographes les plus sérieux. Son mari, fils d'un bourgeois de Paris, est cuisinier et officier de bouche de l'intendant de Montauban. Le mariage religieux est célébré le , en l'église Saint-Jean-Baptiste de Villenouvelle de Montauban.
En août 1766, la jeune femme donne naissance à son fils Pierre Aubry.
Son mari, qu'elle déclara plus tard ne pas avoir aimé, ayant au contraire éprouvé de la répugnance pour un homme « qui n'était ni riche ni bien né », mourut à une date incertaine : en 1766 dans une crue du Tarn selon Olympe de Gouges, mais peut-être plus tard vers 1770-1771, alors qu'elle s'est enfuie du domicile conjugal pour venir à Paris. Elle écrira : « Forcée de fuir un époux qui m'était odieux, je m'enfuis à Paris avec mon fils ».
Au début des années 1770, avec son fils, elle rejoint sa s?ur aînée à Paris et prend le nom d'Olympe de Gouges ; « elle a désormais une nouvelle personnalité ».
La recherche historique n'a pas déterminé avec quelles ressources elle arriva dans la capitale et la plus grande obscurité règne sur ses premières années à Paris. Selon la correspondance de Grimm, « son joli visage était son unique patrimoine ».
Son contemporain Jean-Baptiste Poncet-Delpech, aussi originaire de Montauban et qui la connut à Paris, la dit « devenue fille entretenue par des négociants, des grands seigneurs, des ministres, des princes, etc. ».
Elle mène alors une vie libre et entretient plusieurs liaisons (elle qualifiait le mariage religieux de « tombeau de la confiance et de l'amour »), particulièrement avec Jacques Biétrix de Rozières, un entrepreneur de transports militaires, avec qui elle entretiendra une longue liaison et qui en dix ans lui donnera 70 000 francs devant notaire.
Il n'est pas douteux qu'elle eut des amants et des protecteurs, mais « il est certain que ce ne fut point une courtisane âpre au gain ». Menant une vie luxueuse et galante de manière assez ostentatoire, elle acquiert une réputation de courtisane entretenue par les hommes, dans un contexte où la femme libre est assimilée à une prostituée.
Benoîte Groult écrit à son sujet : « Si le Petit Dictionnaire des Grands Hommes a évoqué sa notoriété de « femme galante », si Restif de La Bretonne l'a placée injustement dans sa « liste des prostituées de Paris », si son biographe Monselet lui a prêté des caprices de « Bacchante affolée », elle ne défraya jamais la chronique scandaleuse de son temps et sa célébrité réelle date plutôt de l'époque où elle fréquenta les littérateurs et les philosophes, espérant combler un peu les lacunes de son éducation. On l'acceptait volontiers courtisane, on trouvait incongrues « ses prétentions intellectuelles »».
Grâce au soutien financier de Jacques Biétrix de Rozières, elle peut mener un train de vie aisé, figurant dès 1774 dans l'Almanach de Paris ou annuaire des personnes de condition. Elle demeure rue des Fossoyeurs, aujourd'hui rue Servandoni, au n 18-22.
Elle se met à fréquenter les salons littéraires afin de diminuer les lacunes de son éducation limitée (elle écrit : « Je n'ai pas l'avantage d'être instruite »), où elle rencontre lettrés, artistes et hommes politiques.
Elle fréquente assidûment les salles de spectacle parisiennes, participe en tant qu'actrice à des représentations de théâtre de société et se lance dans la rédaction d'?uvres dramatiques, où elle met en scène ses idées et ses combats, mais aussi parfois son personnage. Sa vocation pour le théâtre fut peut-être pour Olympe de Gouges une façon d'affirmer sa filiation supposée avec le dramaturge Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, mais sans doute aussi le résultat d'une « théâtromanie » d'époque.
Support privilégié des idées nouvelles, le théâtre demeure à cette époque sous le contrôle étroit du pouvoir. Olympe de Gouges monte sa propre troupe, avec décors et costumes. C'est un théâtre itinérant qui se produit à Paris et sa région. Le marquis de la Maisonfort raconte dans ses Mémoires comment, en 1787, il rachète le « petit théâtre » d'Olympe de Gouges, conservant d'ailleurs une partie de la troupe dont fait partie le jeune Pierre Aubry, son fils.
Vers 1782, à l'âge de 34 ans, elle écrit sa première pièce, Zamore et Mirza, un drame en prose en trois actes qui traite de l'esclavage des Noirs. Mais ce n'est qu'en décembre 1789 que la pièce est créée à la Comédie-Française, sous le titre L'esclavage des Nègres. La première représentation se déroule dans un chahut hostile sans doute organisé par les anti-abolitionnistes et les critiques se montrent sévères, pour des raisons tant morales que littéraires. On lui reproche l'abus du romanesque, la composition désordonnée du drame et la platitude du style. La pièce est retirée après seulement trois représentations (sous la pression des colons, d'après Olympe de Gouges). Elle est publiée en mars 1792.
En , dans ses Adieux aux Français, elle annonce qu'elle vient d'écrire une seconde pièce abolitionniste, intitulée Le Marché des Noirs. Mais elle la propose sans succès en décembre de la même année. Le , surlendemain de son arrestation, puis le jour même de sa condamnation à mort le , elle invoque sa pièce L'Esclavage des Nègres, pour preuve de son patriotisme et de son combat de toujours contre la tyrannie.
En plus de ses deux pièces de théâtre antiesclavagistes, antiracistes et anticolonialistes, Olympe de Gouges publie en des Réflexions sur les hommes nègres :
« L'espèce d'hommes nègres, écrivait-elle avant la Révolution, m'a toujours intéressée à son déplorable sort. Ceux que je pus interroger ne satisfirent jamais ma curiosité et mon raisonnement. Ils traitaient ces gens-là de brutes, d'êtres que le Ciel avait maudits ; mais en avançant en âge, je vis clairement que c'était la force et le préjugé qui les avaient condamnés à cet horrible esclavage, que la Nature n'y avait aucune part et que l'injuste et puissant intérêt des Blancs avait tout fait. »
Ce texte la met en contact avec la société des amis des Noirs, dont elle ne peut cependant être membre en raison de ses cotisations élevées et de son règlement intérieur exclusif. En , soit près de deux ans après la naissance de cette société, elle nie ? en réponse aux imputations d'un colon ? lui devoir ses idées :
« Ce n'est pas la cause des philosophes, des Amis des Noirs que j'entreprends de défendre mais la mienne propre, et vous voudrez bien me permettre de me servir des seules armes qui sont en mon pouvoir? Je puis donc vous attester, Monsieur, que les Amis des Noirs n'existaient pas quand j'ai conçu ce sujet, et vous deviez plutôt présumer, si la prévention ne vous eût pas aveuglé, que c'est peut-être d'après mon drame que cette société s'est formée, ou que j'ai eu l'heureux mérite de me rencontrer noblement avec elle. »
Dans la brochure, elle nie connaître « M. de La Fayette », « ce héros magnanime », autrement que de « réputation ». En , Lafayette est pourtant un des membres fondateurs de cette société, et elle n'aurait évidemment pas manqué de le croiser. Si au début de l'année 1790, elle n'est pas membre de la société des amis des Noirs, il se peut qu'elle y soit entrée au deuxième semestre 1790 : Brissot affirme en 1793, dans ses mémoires, sans en dater le fait, qu'elle y est admise. Dans les archives de la Société, pour la tranche chronologique -, son nom est seulement mentionné deux fois, en janvier et ; et ce comme une abolitionniste extérieure à la Société. Cette adhésion relativement tardive coïnciderait avec l'écriture de sa seconde pièce de théâtre antiesclavagiste, le Marché des Noirs. Comme antiesclavagiste, elle est citée en 1808 par un ancien adhérent actif, l'abbé Grégoire, dans la « Liste des Hommes courageux qui ont plaidé la cause des malheureux Noirs » en préambule de De La littérature des Nègres. Les 69 personnes qui y figuraient n'avaient pas toutes appartenu à cette Association. Cette liste est une dédicace à toutes les personnalités françaises qui avaient mené le combat pour la cause des Noirs et des sang-mêlés. Une telle mention témoigne de l'importance du combat d'Olympe de Gouges sur les questions coloniales.De à elle écrit deux lettres et un mémoire à propos du montage de sa pièce, Zamor et Mirza : "lettre de M de Gouges, auteur de l'esclavage des nègres au public" (Chronique de Paris, ) ; « lettre aux littérateurs français » (Le Courrier de Paris, le Fouet national ), Mémoire pour M de Gouges contre les Comédiens-Français (). Le , en proie provisoirement au découragement sur la révolution en général et la question de l'esclavage en particulier, elle annonce une mise en congé et écrit :
« Par ailleurs qu'ai-je dit aux colons ? Je les ai exhortés à traiter leurs esclaves avec plus de douceur et de générosité. Mais ils ne veulent pas perdre la plus légère partie de leurs revenus. Voilà le sujet de leurs craintes, de leur rage, de leur barbarie. »
On ne contestera pas la modération de ce texte. Mais il faut le remettre dans le contexte de son quasi-isolement et de l'échec du montage de Zamor et Mirza dont elle dut tenter, sans résultat, d'adoucir le ton face au maire de Paris, Bailly, très lié au club de l'hôtel de Massiac.
Pour la première fois à la mi-septembre 1791 dans le postambule de sa « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », en même temps qu'elle plaide le remplacement du mariage patriarcal et marital, par un « Contrat social de l'homme et de la femme », acceptant le principe du divorce, elle donne un avis sur l'infériorisation des mulâtres, propriétaires d'esclaves, par les Blancs :
« Il était bien nécessaire que je dise quelques mots sur les troubles que cause, dit-on, le décret en faveur des hommes de couleur, dans nos îles? Les Colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et les frères ; et méconnoissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang. Ces colons inhumains disent : notre sang circule dans leurs veines, mais nous le répandrons tout (sic), s'il le faut, pour assouvir notre cupidité, ou notre aveugle ambition. »
Elle défend chaleureusement les droits des mulâtres, enfants naturels issus d'une relation sexuelle illégitime entre une esclave et un blanc. Elle invoque implicitement par solidarité avec eux sa propre naissance illégitime, et explicitement sa foi dans le droit naturel. À ce titre, elle approuve avec ses imperfections le décret amendé du , voté par tout le côté gauche antiségrégationniste ? Robespierre excepté ? de l'Assemblée constituante ; décret qu'elle estime « dicté par la prudence et par la justice ». Elle stigmatise également, sans les nommer, Barnave, les Lameth, leurs complices à l'Assemblée nationale qui tentent de faire abroger le décret du comme ils y réussiront finalement le :
« Il n'est pas difficile de deviner les instigateurs de ces fermentations incendiaires : il y en a dans le sein même de l'Assemblée nationale : ils allument en Europe le feu qui doit embraser l'Amérique. »
Pour autant elle refusa d'admettre en 1792 le droit au recours à la violence de la part des mulâtres et des esclaves de Saint-Domingue pour défendre leurs droits ; droit pourtant admis par un nombre ascendant de patriotes.
« C'est à vous, actuellement, esclaves, hommes de couleur, à qui je vais parler ; j'ai peut-être des droits incontestables pour blâmer votre férocité : cruels, en imitant les tyrans, vous les justifiez (?) Quelle cruauté, quelle inhumanité ! La plupart de vos maîtres étaient humains et bienfaisants et dans votre aveugle rage vous ne distinguez pas les victimes innocentes de vos persécuteurs. Les hommes n'étaient pas nés pour les fers et vous prouvez qu'ils sont nécessaires. Je ne me rétracte point j'abhorre vos tyrans, vos cruautés me font horreur. »
Ce texte lui valut par lettre le persiflage de Manuel, en , adjoint du maire Pétion :
« ? M de Gouges a voulu aussi concourir à la rédemption des Noirs ; elle pourra trouver des esclaves qui ne veulent pas de leur liberté. »
Dans son roman Ingénue (1853), Alexandre Dumas traite dans le chapitre Le Club Social de la dénonciation de l'esclavage et donne un panorama du mouvement abolitionniste à la veille de la Révolution française (1788) ; il consacre un paragraphe à Olympe de Gouges, auteure de Zamore et Mirza.
En 1788, le Journal général de France publie deux brochures politiques d'Olympe de Gouges, dont son projet d'impôt patriotique développé dans sa Lettre au Peuple. Dans sa seconde brochure, les Remarques patriotiques, par l'auteur de la Lettre au Peuple, elle développe un vaste programme de réformes sociales et sociétales. Ces écrits sont suivis de nouvelles brochures qu'elle adresse épisodiquement aux représentants des trois premières législatures de la Révolution, aux Clubs patriotiques et à diverses personnalités dont Mirabeau, La Fayette et Necker qu'elle admire particulièrement.
Ses propositions sont proches de celles des hôtes d'Anne-Catherine Helvétius, qui tient un salon littéraire à Auteuil, et où l'on défend le principe d'une monarchie constitutionnelle. En 1790, elle s'installe elle-même à Auteuil, dans la rue du Buis, et y demeure jusqu'en 1793. Elle y est cette année-là arrêtée.
Fin août et début septembre 1791, dans Avis pressant au roi puis Repentir de M De Gouges, elle exprime ses réticences à l'égard d'une constitution qui accorde trop peu de pouvoirs au roi. Son approche est « monarchienne ». À ses yeux, l'égalité doit être stricte entre le pouvoir législatif et le roi des Français.
Point de vue qu'elle maintient en mars 1792 envers et contre l'avis de patriotes qu'elle respecte alors particulièrement : « Les Robespierre, les Pétion, les Brissot, les abbé Fauchet, les Manuel, ces tribuns cependant plus solides dans leurs opinions que ces représentants du peuple qui se sont vendus bassement aux trames de la Cour, ne manqueront pas de crier à la royaliste. »
Avoir cité Maximilien Robespierre, dans ce groupe de tribuns qui ne se sont pas « vendus bassement aux trames de la Cour », fragilise l'image que certains historiens ont élaborée en elle d'une avocate, sous la Constituante, du suffrage censitaire ou du marc d'argent. C'étaient là deux concepts que Robespierre combattait résolument. Et en avril 1792, commentant la limitation du droit de vote et d'éligibilité aux citoyens riches et propriétaires, elle conteste la constitution de du fait de son caractère censitaire et masculin qui, à ces deux titres, l'exclut du droit de vote :
« Fuyez cette horde confuse, ce mélange effroyable de Feuillants, d'aristocrates, d'émissaires de Coblentz, des brigands de tout genre, de tout état, de toute espèce et qui ne fondent leur fortune que sur celle de citoyens propriétaires. »
À ses débuts dans le conflit opposant les Girondins aux Montagnards, elle s'engage pour les seconds contre les premiers : comme Robespierre et Marat, elle s'oppose à la guerre d'attaque plaidée par Brissot, Vergniaud (pourtant son ami), Guadet et Condorcet. Deux textes de mars et avril 1792 le prouvent :
« Où nous mèneront tous ces préparatifs de guerre, comment soutenir une campagne, comment ne pas redouter les effets de la plus petite attaque ? [?] Aveugle furie, affreuse victoire. Que de chères, de précieuses victimes vont périr sous le glaive ennemi. »
Quelques jours avant la déclaration de guerre du , elle cite en ce sens Robespierre :
« ? il faut convaincre, et rendre à chacun la liberté de délibérer sur le sort de son pays [?] voilà ma motion, et je m'oppose, comme M. Robespierre, au projet de la guerre. »
En , elle critique ironiquement Brissot :
« Je ne suis pas tout - à - fait l'ennemie des principes de M. Brissot, mais je les crois impraticables [?] Il est aisé même au plus ignorant, de faire des révolutions sur quelques cartons de papier ; hélas l'expérience de tous les peuples & celles que font les Français, m'apprennent que les plus savants & les plus sages n'établissent pas leurs doctrines sans produire des maux de toutes espèces. »
Cependant, en , en raison de ses relations avec le marquis de Condorcet et son épouse née Sophie de Grouchy, elle rejoint, pour quelques mois, les Girondins. Elle fréquentait les Talma, le marquis de Villette et son épouse, également Louis-Sébastien Mercier, François de Pange et Michel de Cubières, secrétaire général de la Commune après le , qui vit avec la comtesse de Beauharnais, autrice dramatique et femme d'esprit qui tient un salon rue de Tournon. Avec eux, elle devient républicaine comme beaucoup de membres de la société d'Auteuil qui, presque tous, s'opposent à la mort de Louis XVI.
Sous le choc de la découverte de l'armoire de fer, fin elle écrit une pièce de théâtre républicaine, La France sauvée ou le tyran détrôné, qui se déroule la veille de la journée du :
«? Madame Élisabeth : (?) Je ne peux être unie qu'à un roi, simple citoyen. Vous pouvez prétendre à mon c?ur dans le silence mais vous ne serez jamais mon époux.
« ? Barnave : Songez Madame qu'un représentant du peuple, un Barnave, vaut les Rois que vous citez. Je ne diffère d'avec eux que par cet esprit de politique, de trahison (?) Que me manquerait-il encore pour vous mériter ?
« ? Madame Élisabeth : Le sang royal !
« ? Barnave : Songez que j'ai racheté ce sang, par celui que j'ai fait couler, l'Amérique fume encore de ce sang que vous me reprochez. Cruelle, quand j'ai conservé peut-être seul le trône à votre frère, vous me reprochez ma naissance. Avez-vous pu oublier qu'il n'a dépendu peut-être que de moi, d'abolir la royauté en France ? (?)
« (?) Et la révision de la Constitution, n'est-elle pas mon ouvrage ? Et les agitations perpétuelles de la France et de l'Amérique ne me donnent-elles pas le droit de vous obtenir ?
»
Cet extrait reflète une nouvelle condamnation de la constitution de , laquelle condamnation ridiculisa son fondateur Barnave. Celui-ci avait trahi l'année précédente les principes quand, le , il refusa d'insérer le droit mutuel au divorce, imposa le suffrage censitaire, le marc d'argent et fit révoquer le les droits des mulâtres. Le député de Grenoble a agi ainsi par amour pour la s?ur de Louis XVI, Madame Elisabeth, et celle-ci, sans reconnaissance, l'éconduisit du fait de ses origines roturières.
Le , Olympe de Gouges se proposa d'assister Malesherbes dans la défense du roi devant la Convention, mais sa demande fut rejetée avec mépris. Le elle renonça à toute sa philosophie abolitionniste : en cas de victoire du sursis à l'exécution de Louis XVI qu'elle appelait de ses v?ux, tous les membres de la famille royale devaient face à l'ennemi aux frontières, servir d'otages, y compris les deux enfants innocents.
« Le fils de Louis est innocent, mais il peut prétendre à la couronne, et je veux lui ôter toute prétention. Je voudrais donc que Louis, que sa femme, ses enfants et toute sa famille fussent enchaînés dans une voiture et conduits au milieu de nos armées, entre le feu de l'ennemi et notre artillerie. Si les brigands couronnés persistent dans leurs crimes, et refusent de reconnaître l'indépendance de la république française, je briguerai l'honneur d'allumer la mèche du canon qui nous délivrera de cette famille homicide et tyrannique. »
Lors de la rupture entre Robespierre et Pétion en à la Convention, elle prend parti pour Pétion. À l'automne 1792, chez les Montagnards, en fait c'est surtout Maximilien de Robespierre, Marat et Bourdon de l'Oise qu'elle attaque. En , elle prend ses distances avec les Girondins et appelle, au nom de la République, tous les courants politiques de la convention nationale à s'unir :
« Montagne, Plaine, Rolandistes, Brissotins, Buzotins, Girondistes, Robespierrots, Maratistes, disparaissez épithètes infâmes ! Disparaissez à jamais et que les noms de législateurs vous remplacent pour le bonheur du peuple, pour la tranquillité sociale et pour le triomphe de la patrie. »
Elle considère que les femmes sont capables d'assumer des tâches traditionnellement confiées aux hommes et, dans pratiquement tous ses écrits, elle demande qu'elles fussent associées aux débats politiques et aux débats de société. S'étant adressée à Marie-Antoinette pour protéger « son sexe » qu'elle dit malheureux, elle rédige et publie en une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, calquée sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans laquelle elle affirme l'égalité des droits civils et politiques des deux sexes, insistant pour qu'on rende à la femme, les droits naturels que la force du préjugé lui a retirés. Ainsi, elle écrit : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. » La première, elle obtient que les femmes soient admises dans une cérémonie à caractère national, « la fête de la loi » du , puis à la commémoration de la prise de la Bastille le .
Son combat pour les femmes se poursuit dans ses productions théâtrales, notamment dans Le Couvent ou les v?ux forcés (1790). Alors qu'à l'Assemblée constituante les députés débattent de l'utilité des couvents et de la liberté des femmes, elle les écoute attentivement, n'hésitant pas à prendre des notes afin d'emprunter leurs idées et de les transmettre à ses personnages. L'un d'entre eux, l'abbé Gouttes, deviendra d'ailleurs le héros de sa pièce à travers le personnage du curé.
Parmi les premiers, elle demande l'instauration du divorce en , dans une pièce de théâtre, La Nécessité du divorce. Elle renouvelle cette demande en dans les commentaires de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Enfin, cinq mois plus tard, en février 1792, dans l'essai Le Bon sens du Français, elle s'exprime à nouveau en ce sens. Elle y reproche aux anciens députés feuillants de n'avoir pas, au nom de leurs principes autoproclamés de liberté et d'égalité, introduit le droit au divorce dans la constitution de 1791. Ce principe est finalement adopté par l'assemblée législative le . Elle demande également la suppression du mariage religieux, et son remplacement par une sorte de contrat civil vraiment égalitaire, signé entre concubins et qui prenne en compte les enfants issus de liaisons nées d'une « inclination particulière ». En 1790, elle insère dans une motion au duc d'Orléans un plaidoyer pour le droit au divorce et un statut équitable pour les enfants naturels en fait surtout consacré au second point. C'est, à l'époque, véritablement révolutionnaire, de même son engagement en faveur de la libre recherche de la paternité et la reconnaissance d'enfants nés hors mariage. À l'instar du droit au divorce, pour lequel son engagement est aussi fort, elle répète ces requêtes dans les annexes de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Elle est aussi une des premières à théoriser, dans ses grandes lignes, le système de protection maternelle et infantile que nous connaissons aujourd'hui et, s'indignant de voir les femmes accoucher dans des hôpitaux ordinaires, elle réclame la création de maternités. Enfin, sensible à la pauvreté endémique, elle prône la création d'ateliers nationaux pour les chômeurs et de foyers pour mendiants.
Toutes ces mesures préconisées « à l'entrée du grand hiver » 1788-1789 sont considérées par Olympe de Gouges comme essentielles, ainsi qu'elle le développe en dans son ultime écrit, Une patriote persécutée.
En 1793, elle s'en prend vivement à ceux qu'elle tient pour responsables des massacres des et : « Le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions ». Elle désigne particulièrement Marat, qu'elle traite d'« avorton de l'humanité », l'un des signataires de la circulaire du proposant d'étendre les massacres de prisonniers dans toute la France. Soupçonnant Robespierre, selon elle « l'opprobre et l'exécration de la Révolution », d'aspirer à la dictature, elle l'interpelle dans plusieurs écrits, ce qui lui vaut une dénonciation de Bourdon de l'Oise au club des jacobins.
Dans ses écrits du printemps 1793, partageant l'analyse de Vergniaud, elle dénonce les dangers de dictature qui se profilent avec la montée en puissance de la Convention montagnarde et la mise en place d'un Comité de salut public le qui s'arroge le pouvoir d'envoyer les députés en prison. Après la mise en accusation du parti girondin tout entier à la Convention le , elle adresse au président de la Convention une lettre où elle s'indigne de cette mesure attentatoire aux principes démocratiques (), mais ce courrier est censuré en cours de lecture. Ici aussi, elle garde ses distances avec la Gironde en dédiant, au nom de l'unité de la Convention, voire de ses convictions idéologiques, son affiche à Danton, qu'elle a ménagé ? au contraire des Brissotins ? à l'automne 1792 :
« C'est toi Danton que je choisis pour le défenseur des principes que j'ai développés à la hâte et avec abondance de c?ur dans cet écrit. Quoique nous différions dans la manière de manifester notre opinion, je ne te rends pas moins la justice qui t'est due, et je suis persuadée que tu me la rends aussi ; j'en appelle à ton profond discernement, à ton grand caractère ; juge-moi. Je ne placarderai pas mon testament ; je n'incendierai pas le peuple de Paris ni les départements ; je l'adresse directement, et avec fermeté, aux jacobins, au département, à la commune, aux sections de Paris, où se trouve la majorité saine des bons citoyens, qui, quels que soient les efforts des méchants, sauvera la chose publique. »
Elle s'accorde bien avec « le défenseur de principes » sur trois mesures qu'il a demandées, parfois avec succès, depuis le mois de . Ainsi en est-il de sa proposition de vote demandée pour la libération des prisonniers pour dettes le qui constituait sept ans plus tôt le thème de deux pièces de théâtre d'Olympe de Gouges, Le mariage inattendu de Chérubin et L'homme généreux. Suit au printemps 1793, la requête de Danton le pour l'obtention d'un abaissement du prix du pain pour les pauvres à corriger par une taxe sur les riches, puis, les et , celle pour un impôt sur les riches. Or, quatre ans plus tôt, dans les remarques patriotiques de , Olympe de Gouges préconisait une panoplie d'impôts sur les signes extérieurs de richesse et un impôt volontaire à proportion du salaire. Deux mois après la chute de la Gironde, c'est sous la présidence de Danton ( - ) que, le , la Convention montagnarde (sur demande de l'abbé Grégoire) supprime le versement de primes aux négriers. La lettre du , adressée par Olympe de Gouges du fond de sa prison à ce président de la Convention, avait peut-être trait à l'esclavage et à la traite. D'autant que la mesure du était en réalité une confirmation d'un autre décret dans lequel ce « défenseur des principes » était également impliqué. Le , l'assemblée législative avait voté une première fois la suppression de ces versements de primes et le futur député de Paris venait la veille d'entrer au Conseil exécutif provisoire comme ministre de la Justice. Les 15 et 16 Pluviôse an II-3 et « le défenseur des principes », en clamant fermement la nécessité d'émanciper sans délai tous les Noirs des colonies, rend implicitement hommage au combat abolitionniste d'Olympe de Gouges et à son appel unitaire du . Enfin, le , Danton était toujours membre du conseil exécutif provisoire lorsque l'assemblée législative légalisa cet autre principe cher à Olympe de Gouges : le droit des femmes au divorce. Par ailleurs elle admet implicitement le bien-fondé de la création, le , du tribunal révolutionnaire. Danton, son fondateur, souligne, par son exclamation « soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être », que cette nouvelle institution préviendrait de nouveaux « massacres de septembre » ; des massacres qu'elle a abhorrés. Sophie Mousset relève qu'Olympe de Gouges, toute occupée en à défendre la démocratie politique, ne s'aperçoit pas de la création par les Montagnards du vote le d'« une loi de soutien aux mères célibataires, et accès plein et entier à la citoyenneté des enfants abandonnés » qu'elle a toujours appelée de ses v?ux.
D'après Annette Rosa, après la chute de la Gironde, les Montagnards cherchent à oublier Olympe de Gouges. Mais, le , elle se met en contravention avec la loi de relative à l'interdiction des écrits remettant en cause le principe républicain. Ainsi, sous le titre de Les Trois urnes ou le Salut de la patrie, par un voyageur aérien compose-t-elle une affiche qui demande une élection à trois choix : république une et indivisible, république fédéraliste, retour à la monarchie constitutionnelle. Pour avoir proposé ce troisième choix, elle est arrêtée par les Montagnards le , jour de l'affichage du texte, et déférée le devant le tribunal révolutionnaire qui l'inculpe.
Malade des suites d'une blessure infectée reçue à la prison de l'Abbaye et réclamant des soins, elle est envoyée à l'infirmerie de la Petite-Force, rue Pavée, dans le Marais, et partage la cellule d'une condamnée à mort en sursis, M de Kolly, qui se prétend enceinte. En octobre suivant, elle met ses bijoux en gage au mont-de-piété et obtient son transfert dans la maison de santé Mahay, sorte de prison pour riches où le régime était plus libéral et où elle a, semble-t-il, une liaison avec un des prisonniers. Désirant se justifier des accusations pesant contre elle, elle réclame sa mise en jugement dans deux affiches qu'elle réussit à faire sortir clandestinement de prison et à faire imprimer. Ces affiches ? « Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire » et « Une patriote persécutée », son dernier texte ? sont largement diffusées et remarquées par les inspecteurs de police en civil qui les signalent dans leurs rapports.
Traduite au Tribunal au matin du , soit quarante-huit heures après l'exécution de ses amis Girondins, elle est interrogée sommairement. Privée d'avocat, elle se défend avec adresse et intelligence. Condamnée à la peine de mort pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que « un et indivisible », elle essaye par tous les moyens d'échapper à cette peine capitale, allant même jusqu'à se déclarer enceinte alors que déjà ménopausée. Les médecins consultés se montrent dans l'incapacité de se prononcer, mais Fouquier-Tinville - au fait de l'horloge biologique - ne peut que confirmer qu'il n'y a pas de grossesse. Le jugement est exécutoire, et la condamnée profite des quelques instants qui lui restent pour écrire une ultime lettre à son fils, laquelle est interceptée. Selon un inspecteur de police en civil, le citoyen Prévost, présent à l'exécution, et d'après le Journal de Perlet ainsi que d'autres témoignages, elle monte sur l'échafaud avec courage et dignité, contrairement à ce qu'en diront au XIX siècle l'auteur des mémoires apocryphes de Sanson et quelques historiens dont Jules Michelet. Elle s'écrie devant la guillotine, située sur l'actuelle place de la Concorde, : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. » Elle a alors 45 ans.
Son fils, l'adjudant général Pierre Aubry de Gouges, par crainte d'être inquiété, la renie publiquement dans une « profession de foi civique ». Le procureur de la Commune de Paris, Pierre-Gaspard Chaumette évoque :
« [cette] virago, la femme-homme, l'impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes, abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes? Tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le fer vengeur des lois. Et vous voudriez les imiter ? Non ! Vous sentirez que vous ne serez vraiment intéressantes et dignes d'estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées, c'est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes. »
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