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Fauteuil 9 de l'Académie française | |
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depuis le | |
Alain Decaux |
Naissance | Villers-sur-Mer, France |
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Nationalité |
française |
Formation |
Université Paris-Sorbonne Lycée Henri-IV |
Activités |
Écrivain, critique littéraire, romancier |
Père |
Jacques Grainville (d) |
A travaillé pour |
Lycée Évariste-Galois (en) |
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Membre de |
Académie française () Comité de lecture des éditions du Seuil (d) |
Genre artistique |
Roman, biographie |
Distinction |
Prix Goncourt (1976) Grand prix de littérature de la SGDL (2008) Grand prix de littérature Paul-Morand (2012) |
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Patrick Grainville, né le à Villers-sur-Mer, est un écrivain français.
Originaire de Normandie, il remporte le prix Goncourt en 1976, à 29 ans, pour son quatrième roman, Les Flamboyants, qui raconte l'épopée d'un roi fou africain imaginaire, Tokor.
Très tôt, son style baroque et son ?uvre dense tiennent une place à part dans le paysage romanesque de la fin du XX siècle marqué par un certain minimalisme. Écrivain à l'écriture foisonnante et facilement reconnaissable, il est régulièrement invité dans l'émission Apostrophes où il cultive son originalité. Il alterne au fil des ans des fictions hautes en couleur et exotiques (Colère, Le Tyran éternel, Le Lien...), des récits où romanesque et autobiographie s'entremêlent (L'Orgie, la Neige, Les Anges et les Faucons, La Main blessée...) et des romans mythiques autour des grands peintres (Le Baiser de la pieuvre, Bison, Falaise des fous...).
Professeur agrégé de lettres, Patrick Grainville est également critique au Figaro littéraire et membre du jury du prix Médicis. Il a reçu en 2012 le Grand prix de littérature Paul-Morand décerné par l'Académie française pour l'ensemble de son ?uvre.
En 2018, il est élu à l'Académie française.
Patrick Grainville passe son enfance en Normandie, allant régulièrement à la chasse et à la pêche avec son père Jacques, entrepreneur et longtemps maire de Villerville de 1963 à 1989 ; il fréquente le lycée de Deauville annexe de Malherbe de Caen, avant de poursuivre ses études supérieures au lycée Henri-IV et à la Sorbonne où il prépare son agrégation, qu'il obtient.
En parallèle de ses études, le jeune homme écrit très tôt, premier manuscrit à 19 ans, puis premier roman publié à 25, La Toison, accepté immédiatement par Gallimard. La profession le remarque.
Juste avant de mourir, Henry de Montherlant lui prédit un grand avenir et loue son style : « Vous êtes tellement personnel que, dès votre premier livre, on pourrait écrire : ?À la manière de Patrick Grainville? ». Son roman suivant, La Lisière, rate le Goncourt 1973, au cinquième tour contre L'Ogre de Jacques Chessex, au grand dam de Michel Tournier qui l'a soutenu dans le jury. Hervé Bazin, qui préside, reconnait ses qualités, mais trouve l'auteur trop jeune. Patrick Grainville décrit dans La Lisière ce qui sera le fil conducteur de son ?uvre « J'inaugure une sorte d'autobiographie mythique où le passé mi-souvenu mi-rêvé est contemporain d'un futur prévu, conjuré où le présent n'est rien ». Trois ans plus tard, après avoir déjà écarté un quatrième roman, les Éditions Gallimard refusent Les Flamboyants qu'elles jugent, dans une première version de 800 pages, trop long et trop touffu. Jean Cayrol convainc Patrick Grainville de raccourcir et Michel Tournier, pourtant chez Gallimard, de changer d'éditeur. C'est donc aux éditions du Seuil qu'il obtient le prix Goncourt en 1976. François Nourissier, le citant en exemple, se félicitera quelques années plus tard, afin de valoriser l'Académie Goncourt critiquée pour ses choix, de ne pas être passé à côté du Normand. Parmi les plus jeunes lauréats du prix Goncourt, Patrick Grainville retourne dès le lendemain à son métier de professeur tout en affirmant son ambition de faire bouger les lignes de l'écriture. « Je vais pouvoir défendre les couleurs baroques, parce qu'en France, il semble tout de même que le privilège soit donné à la littérature classique, le roman psychologique, intérieur, avec un style très dépouillé, j'aime plutôt [...] une littérature qui se donne, qui prend des risques, qui se casse la figure, qui repart... » Bien des années plus tard, dans un débat amical avec Annie Ernaux sur la relation entre la réalité et la fiction, il empruntera à Gilles Deleuze le néologisme « chaosmos » pour revendiquer sa vision du roman « monument » ; face à un réel ouvert, vouloir « fermer le robinet de la signification avec un mot exact, vissé sur la chose », n'est selon lui qu'une illusion qui passe à côté de la « poétique de la vérité ».
Dix ans après Les Flamboyants, Le Paradis des orages, érotique et partiellement autobiographique, est un nouveau succès. Sa mèche « ravageuse », rendue fameuse, et sa faconde passionnée conduisent Patrick Grainville à devenir l'un des écrivains les plus souvent invités dans l'émission Apostrophes, même pour présenter des livres qui ne sont pas les siens. Il y fera également part de sa perception du métier de professeur du secondaire, enseignant le français en marge de l'écriture au lycée Évariste-Galois à Sartrouville. Ses romans suivants, L'Atelier du peintre, L'Orgie, la Neige ou Colère, à cheval entre les années 1980 et les années 1990, salués par les critiques, bénéficient ainsi d'une bonne exposition. Se sentant poussé un temps par le Nouveau Roman et admiratif de Claude Simon, Patrick Grainville partage son amour pour la Normandie avec Marguerite Duras qui habite l'Hôtel des Roches Noires à Trouville-sur-Mer, près de chez ses parents, et avec qui il lui arrive de se promener. Ayant adopté le rythme d'un roman tous les deux ans et actif par ailleurs, critique de cinéma dans les années 1980 pour VSD avant de devenir chroniqueur littéraire pour Le Figaro, il multiplie les textes sur la peinture, côtoyant autant des peintres célèbres que des débutants voués à le devenir.
Après un résumé « de notre époque », à travers le portrait de Maha, star interplanétaire dans Le Lien, le style d'écriture de Patrick Grainville s'épure à la fin des années 1990. Il devient membre du jury du prix Médicis à partir de 1997 où il se lie d'amitié avec Alain Robbe-Grillet. Moins présent dans les médias, il maintient néanmoins son rythme de publication bisannuel et poursuit une ?uvre protéiforme, creusant « son propre sillage »; se succèdent un grand retour en Afrique qu'il affectionne particulièrement (Le Tyran éternel), un thriller prémonitoire des événements du 11 septembre (Le Jour de la fin du monde, une femme me cache), un roman autobiographique (La Main blessée), un nouveau « classique » de l'érotisme (Le Baiser de la pieuvre) et, saluée par la critique en 2014, une épopée sur les Indiens des Plaines à travers la vie du peintre George Catlin (Bison). À l'occasion de la sortie du Démon de la vie, peu de temps après la mort de Michel Tournier avec qui il était resté proche, Patrick Grainville, considéré dorénavant lui aussi comme « un pilier, une institution des lettres françaises », passe dans On n'est pas couché et renoue avec une émission de grande écoute. Yann Moix reconnait lui vouer une admiration sans borne et le présente comme « le plus grand prosateur de la langue française ».
Le 2018, il est élu au fauteuil d'Alain Decaux à l'Académie française, au premier tour de scrutin face à Dominique-Marie Dauzet. Lors de son intronisation un an plus tard, son discours aux « accents lyriques » est salué par les médias:
« Pour ma part, je ne suis qu'un homme frêle, paré de lauriers d'or, et futiles ! N'étaient? les mots de la langue française qui m'ont donné corps et chair, muscle et force, sang et souffle de verbe. Les mots sont mes seules armoiries, ma seule panoplie et mon épée. [?] Le style, cette erreur érotique. C'est l'invention de notre langue contre le globish décérébré et sans volupté, le snobisme mortifère de l'anglo-américain des services, de la communication bureaucratique. Le style, c'est l'anti-globish ! C'est notre flamme, notre incarnation vive, notre révolte prométhéenne contre l'ordre du monde et les dieux monotones. On parle à tort de la pureté du style. Mesdames et Messieurs de l'Académie, le style est impur. Il est le sacrilège de la beauté. Contre tous les manques de l'existence, les mots sont la présence, l'arbre de vie, le fleuve intarissable, le paradis retrouvé. Le paradis inventé. Je chante la langue française. Sa luxuriance lucide. »