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Molière
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Molière interprétant César dans La Mort de Pompée de Corneille. Portrait attribué à Nicolas Mignard (1658).
Nom de naissance Jean Poquelin (rebaptisé Jean-Baptiste Poquelin après la naissance de son frère cadet, lui aussi prénommé Jean)
Alias
Molière
Naissance
Rue Saint-Honoré, Paris,
Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Décès (à 51 ans)
Rue de Richelieu, Paris,
Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Activité principale
Comédien et dramaturge
Conjoint
Armande Béjart
Auteur
Langue d'écriture Français
Mouvement Classicisme (baroque)
Genres
Farce, comédie, comédie-ballet
Adjectifs dérivés moliériste, moliéresque

?uvres principales

  • Les Précieuses ridicules, 1659
  • L'École des femmes, 1662
  • Dom Juan ou le Festin de Pierre, 1665
  • Le Médecin malgré lui, 1666
  • Le Misanthrope, 1666
  • Amphitryon, 1668
  • L'Avare, 1668
  • Le Tartuffe, 1669
  • Le Bourgeois gentilhomme, 1670
  • Les Fourberies de Scapin, 1671
  • Les Femmes savantes, 1672
  • Le Malade imaginaire, 1673
Signature de Molière

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, baptisé le à l'église Saint-Eustache de Paris et mort le soir du à son domicile de la rue de Richelieu, est le plus célèbre des comédiens et dramaturges de la langue française.

Issu d'une famille de marchands parisiens, il s'associe à 21 ans avec une dizaine de camarades, dont trois membres de la famille Béjart, pour former la troupe de l'Illustre Théâtre, laquelle, en dépit de débuts prometteurs et malgré la collaboration de dramaturges de renom, ne parvient pas à s'imposer durablement à Paris. Engagés à Pâques 1646 dans une prestigieuse « troupe de campagne » entretenue par le duc d'Épernon, gouverneur de Guyenne, puis par plusieurs protecteurs successifs, Molière et ses amis Béjart parcourent pendant douze ans les provinces méridionales du royaume. Au cours de cette période, Molière compose quelques farces ou petites comédies en prose et ses deux premières comédies en cinq actes et en vers. De retour à Paris en 1658, il devient vite, à la tête de sa troupe, le comédien et auteur favori du jeune Louis XIV et de sa cour, pour lesquels il conçoit de nombreux spectacles, en collaboration avec les meilleurs architectes scéniques, chorégraphes et musiciens du temps. Il meurt brutalement, à l'âge de 51 ans.

Grand créateur de formes dramatiques, interprète du rôle principal de la plupart de ses pièces, Molière a exploité les diverses ressources du comique ? verbal, gestuel et visuel, de situation ? et pratiqué tous les genres de comédie, de la farce à la comédie de caractère. Il a créé des personnages individualisés, à la psychologie complexe, qui sont rapidement devenus des archétypes. Observateur lucide et pénétrant, il peint les m?urs et les comportements de ses contemporains, n'épargnant guère que les ecclésiastiques et les hauts dignitaires de la monarchie, pour le plus grand plaisir de son public, tant à la cour qu'à la ville. Loin de se limiter à des divertissements anodins, ses grandes comédies remettent en cause des principes d'organisation sociale bien établis, suscitant de retentissantes polémiques et l'hostilité durable des milieux dévots.

L'?uvre de Molière, une trentaine de comédies en vers ou en prose, accompagnées ou non d'entrées de ballet et de musique, constitue un des piliers de l'enseignement littéraire en France. Elle continue de remporter un vif succès en France et dans le monde entier, et reste l'une des références de la littérature universelle.

Sa vie mouvementée et sa forte personnalité ont inspiré dramaturges et cinéastes. Signe de la place emblématique qu'il occupe dans la culture française et francophone, le français est couramment désigné par la périphrase « la langue de Molière ».

  1. ? Lacroix 1876, p. 1-2
  2. ? Élie Fréron, « Un portrait de Molière », L'Année littéraire, vol. 7,‎ , p. 31.
  3. ? https://www.cnrtl.fr/definition/moli%C3%A9riste
  4. ? https://www.cnrtl.fr/definition/moli%C3%A9resque
  5. ? Auteurs et répertoires ? Official site of the Comédie Française.
  6. ? Nathalie Simon, « Les auteurs les plus joués au théâtre », Le Figaro,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le ).


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Biographie

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Maisons situées 94 et 96 rue Saint-Honoré (Paris 1), construites sur celle où naquit Molière.
Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle.

La jeunesse de Molière

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Famille

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Fils de Jean Poquelin (1595-1669) et de Marie Cressé (1601-1632), Jean-Baptiste Poquelin est né dans les premiers jours de 1622, ce qui fait de lui, à quelques années près, le contemporain de Cyrano de Bergerac, de Furetière, de Tallemant des Réaux, de Colbert, de D'Artagnan, de Ninon de Lenclos, de La Fontaine, du Grand Condé et de Pascal. Le , il est tenu sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Eustache par son grand-père Jean Poquelin (? 1626) et Denise Lecacheux, son arrière-grand-mère maternelle.

Les Poquelin de Paris, nombreux à l'époque, sont originaires de Beauvais et du Beauvaisis. Les parents du futur Molière habitent à l'emplacement de l'actuel n° 96 de la rue Saint-Honoré, à l'angle oriental de la rue des Vieilles-Étuves (actuelle rue Sauval), dans une maison démolie en 1802 et appelée le « Pavillon des singes ». Son père, Jean, marchand tapissier, l'a louée deux ans plus tôt pour y installer son logement et sa boutique, avant d'épouser Marie Cressé. Les fenêtres donnent sur la placette dite carrefour de la Croix-du-Trahoir, qui depuis le haut Moyen Âge est l'un des principaux lieux patibulaires de la capitale.

Les grands-parents de Jean-Baptiste sont commerçants aux Halles de Paris, où ils tiennent boutique. Du côté maternel, les Cressé sont tapissiers courtepointiers rue du Marché aux Poirées. Sa grand-mère paternelle est toilière lingère rue de la Lingerie, dans le prolongement de la rue du Marché aux Poirées. Son grand-père paternel, malgré le titre prestigieux de maître tapissier courtepointier dont il se targue parfois, n'a jamais tenu boutique. Apprenti chez son oncle tapissier courtepointier, il y passe en effet la maîtrise, et continue à y travailler jusqu'à son mariage. Il devient alors associé de son beau-père, pelletier fourreur, puis après la rupture de leur association, porteur de grains.

Si Jean-Baptiste semble naître dans la bourgeoisie cossue, celle des commerçants aisés du centre de Paris, comme en témoignent les inventaires après décès, une étude plus poussée montre un environnement familial atypique. Il était déjà attesté que sa grand-mère maternelle était issue d'une famille de musiciens : un de ses oncles, Michel Mazuel (de), collabore à la musique des ballets de cour et est nommé en 1654 compositeur de la musique des Vingt-Quatre Violons du Roi. Il jouera d'ailleurs les comédies ballets de son neveu. Des recherches récentes montrent que Jean-Baptiste descend également de libraires imprimeurs, aussi bien du côté paternel que maternel, ce qui explique certainement que le niveau culturel des femmes est dans sa famille supérieur à celui des autres commerçants du quartier des Halles. Des femmes qui tiennent également leur propre commerce et qui sont donc plus indépendantes que la plupart des épouses de marchands. Il a été aussi récemment découvert que la famille de Jean-Baptiste était proche du milieu des chirurgiens (ainsi Jean Girault, célèbre chirurgien et auteur du plus vieil herbier français était l'ami du grand-père paternel de Molière), à une époque de forte opposition chirurgie-médecine, ce qui permet d'envisager sous un regard neuf les multiples piques de Molière contre les médecins. Enfin, la vie pleine de rebondissements de son grand-père paternel a pu être un modèle de résilience pour Molière face aux vicissitudes de sa carrière.

En 1631, Jean Poquelin père rachète à son frère cadet, Nicolas, un office de « tapissier ordinaire de la maison du roi », dont cinq ans plus tard il obtiendra la survivance pour son fils aîné. La même année, il perd sa femme, sans doute épuisée par six grossesses survenues entre et , et se remarie avec Catherine Fleurette, qui meurt à son tour en 1636, après lui avoir donné trois autres enfants.

Études

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Collège Louis-le-Grand vers 1789
Le collège Louis-le-Grand vers 1789.

Sur les études du futur Molière, il n'existe aucun document fiable. Les témoignages sont tardifs et contradictoires. Selon les auteurs de la préface des ?uvres de Monsieur de Molière (1682), le jeune Poquelin aurait fait ses humanités et sa philosophie au prestigieux collège jésuite de Clermont (l'actuel lycée Louis-le-Grand), où il aurait eu « l'avantage de suivre feu M. le prince de Conti dans toutes ses classes ». Dans sa Vie de M. de Molière publiée en 1705, Grimarest lui donne pour condisciples deux personnages qui seront plus tard ses amis avérés, le philosophe, médecin et voyageur François Bernier et le poète libertin Chapelle. Ce dernier avait pour précepteur occasionnel Pierre Gassendi, redécouvreur d'Épicure et du matérialisme antique, lequel, écrit Grimarest, « ayant remarqué dans Molière toute la docilité et toute la pénétration nécessaires pour prendre les connaissances de la philosophie », l'aurait admis à ses leçons avec Chapelle, Bernier et Cyrano de Bergerac. Toutefois, la présence même de Jean-Baptiste Poquelin au collège de Clermont est sujette à caution. Ainsi François Rey fait-il remarquer que « ni l'un ni l'autre des deux jésuites, René Rapin et Dominique Bouhours, qui ont fait l'éloge de Molière après sa mort, n'a suggéré qu'il aurait eu la même formation qu'eux. Le premier, en particulier, qui était son exact contemporain et se disait son ami, avait été pendant plusieurs années professeur au collège de Clermont ». Certains, notant que « son théâtre est le fruit d'une lente maturation, non de l'application respectueuse de règles apprises au collège par l'étude des modèles classiques », en viennent à douter même que Molière ait fait des études régulières, sans toutefois exclure la possibilité qu'il ait été l'élève de Gassendi entre 1641 et 1643.

À sa sortie du collège, s'il faut en croire un contemporain, le jeune homme serait devenu avocat. Les avis sur ce point sont partagés, mais, quoi qu'il en soit, Molière ne s'est jamais paré du titre d'avocat et son nom ne figure ni dans les registres de l'université d'Orléans où il était possible d'étudier mais aussi d'acheter sa licence de droit, ni dans ceux du barreau de Paris. Toujours est-il que « de nombreux passages de ses comédies supposent de sa part une connaissance précise des règlements et des procédures de justice ».

Des débuts difficiles

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Première carrière parisienne : l'Illustre Théâtre

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Plaque au 12 rue Mazarine (Paris).

Au tournant de l'année 1643, Jean-Baptiste Poquelin, d'ores et déjà émancipé d'âge et qui a renoncé à la survivance de la charge de son père, reçoit de celui-ci un important acompte sur l'héritage maternel. Il a quitté la maison de la rue Saint-Honoré et demeure à présent rue de Thorigny, dans le quartier du Marais, non loin des Béjart.

Le , par-devant notaire, il s'associe avec neuf camarades, dont les trois aînés de la fratrie Béjart (Joseph, Madeleine et Geneviève), pour constituer une troupe de comédiens sous le nom de l'Illustre Théâtre. Ce sera la troisième troupe permanente à Paris, avec celle des « grands comédiens » de l'hôtel de Bourgogne et celle des « petits comédiens » du Marais.

Tout, à commencer par les termes mêmes du contrat d'association, suggère que le jeune Poquelin s'est engagé dans le théâtre pour y tenir les rôles de héros tragiques aux côtés de Madeleine Béjart, de quatre ans son aînée.

Dessin d'un jeu de paume transformé en théâtre. De chaque côté, un balcon se prolonge au-dessus de la scène.
Intérieur d'un théâtre parisien, dans les années 1640, vraisemblablement un ancien jeu de paume ; dessin de François Chauveau.

À la mi-septembre, les nouveaux comédiens louent le jeu de paume dit des Métayers sur la rive gauche de la Seine, au faubourg Saint-Germain. En attendant la fin des travaux d'aménagement de la salle, ils se rendent à Rouen, afin de s'y produire pendant la foire Saint-Romain, qui se tient du au . Rouen est la ville où réside alors Pierre Corneille, mais aucun document ne permet d'affirmer, comme le font les épigones de Pierre Louÿs, que Molière a mis à profit ce séjour pour nouer des relations avec l'auteur du Cid et du Menteur.

La salle des Métayers ouvre ses portes le . Pendant les huit premiers mois de représentations, le succès de la nouvelle troupe est d'autant plus grand que, le jeu de paume du Marais ayant brûlé le , ses locataires ont dû partir jouer en province pendant sa reconstruction.

En , le théâtre du Marais, refait à neuf et doté d'une salle équipée à présent de « machines », accueille de nouveau le public, et il semble que la salle des Métayers commence alors à se vider. Cela pourrait expliquer la décision, prise en décembre, de déménager sur la rive droite au jeu de paume de la Croix-Noire (actuel 32, quai des Célestins), plus près des autres théâtres. Molière est seul à signer le désistement du bail, ce qui pourrait indiquer qu'il est devenu le chef de la troupe. Cependant, ce déménagement vient accroître les dettes de la troupe ? les investissements initiaux de location et d'aménagement du local, puis d'aménagement d'un nouveau local, ont été coûteux et les engagements financiers pèsent lourd par rapport aux recettes ? et, dès le , les créanciers entament des poursuites.

Au début du mois d'août, Molière est emprisonné pour dettes au Châtelet, mais peut se tirer d'affaire grâce à l'aide de son père. À l'automne, il quitte Paris.

Nom de scène « Moliere »

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C'est au cours du premier semestre de 1644 que Jean-Baptiste Poquelin prend pour la première fois ce qui deviendra son nom de scène puis d'auteur. Le , il signe « De Moliere » (sans accent) un document notarié dans lequel il est désigné sous le nom de « Jean-Baptiste Pocquelin, dict Molliere ». « Ce fut alors, écrira Grimarest en 1705, [qu'il] prit le nom qu'il a toujours porté depuis. Mais lorsqu'on lui a demandé ce qui l'avait engagé à prendre celui-là plutôt qu'un autre, jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis ».

Divers auteurs ? Élie Cottier, Léon Thoorens, Virginia Scott, Georges Forestier ? ont fait remarquer que dans la première moitié du XVII siècle les comédiens choisissaient très souvent des noms de scène se référant à des fiefs imaginaires, tous plus ou moins "champêtres" : Pierre le Messier, sieur de Bellerose, Guillaume Desgilberts, sieur de Montdory, Josias de Soulas, sieur de Floridor, Zacharie Jacob, sieur de Montfleury. Un grand nombre de lieux-dits ou de villages français se nomment Meulière ou Molière, et désignent des sites où se trouvaient des carrières de pierres à meule ; en Picardie, les « mollières » sont des terres marécageuses et incultes. Bien que les marécages et les carrières soient des lieux moins chargés de poésie que les Monts d'or et les Monts fleuris, il n'est pas inconcevable que Molière se soit à son tour inventé un fief campagnard, ce qui expliquerait qu'il ait commencé par signer « De Molière » et ait été régulièrement désigné comme « le sieur de Molière ».

Mais à l'époque où Poquelin a choisi son nom de scène, le toponyme Molière (avec ses variantes) était également un patronyme relativement répandu, et plusieurs historiens ont ainsi pu voir dans ce choix un hommage au musicien et danseur Louis de Mollier (vers 1615-1688), auteur en 1640 d'un recueil de Chansons pour danser. Selon Paul Lacroix, par exemple, on peut avancer « avec une certaine apparence de probabilité que Poquelin se regardait comme le fils adoptif du sieur de Molière » ; Elizabeth Maxfield-Miller considère, quant à elle, comme « très plausible » l'hypothèse que « le jeune Poquelin aurait rencontré Louis de Mollier, [lequel] lui aurait permis d'employer une variante de son nom comme nom de théâtre ».

François Rey propose pour sa part, et après plusieurs auteurs des derniers siècles, de voir dans le choix du jeune Poquelin une référence et un hommage à un personnage d'une tout autre stature. Il fait valoir qu'en cette même année 1644 venait de paraître, chez deux des principaux libraires parisiens, la quatrième édition d'un roman-fleuve dans le goût de L'Astrée, intitulé La Polyxene de Moliere. On y trouvait un prince Alceste, d'une jalousie morbide, un Philinte, un Oronte, et cette Polyxène, à qui la « spirituelle » Magdelon des Précieuses ridicules empruntera son nom. Son auteur, François de Molière d'Essertines (1600-1624), poète, traducteur et épistolier, dont la prose, « d'une extrême pureté », passait selon Charles Sorel pour l'une des plus « polies » du temps, avait été assassiné vingt ans plus tôt dans la fleur de son âge. Proche des milieux libertins, il était l'ami de Théophile de Viau, de Tristan L'Hermite, de Marc-Antoine de Saint-Amant, d'Adrien de Monluc, de Michel de Marolles, et le jeune Saint-Évremond, qui ne l'avait pas connu, se réclamait de lui dans sa toute récente Comédie des Académistes.

Les années de province (1646-1658)

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Carte de France où sont identifiés les divers lieux où a séjourné la troupe de Molière
Les séjours en province de la troupe de Dufresne et Molière entre 1645 et 1658.
Madeleine Béjart-Cléopâtre et Molière-César dans La Mort de Pompée de Pierre Corneille, modèles pour Mars et Vénus de Nicolas Mignard, 1658 (musée des Beaux-Arts d'Aix-en-Provence).

À l'automne 1645, Molière et ses compagnons du "Théâtre Illustre" tentent une tournée dans l'ouest de la France, mais elle ne semble pas avoir été fructueuse et on les retrouve empêtrés dans les procès en décembre. Heureusement, Molière et ses amis Béjart (Joseph, Madeleine et Geneviève, bientôt rejoints par leur mère qui amène le petit Louis, âgé de 16 ans) sont engagés durant le relâche de Pâques 1646 par la plus réputée des "troupes de campagne", la troupe du duc d'Épernon, gouverneur de Guyenne, et dirigée par Charles Dufresne. En avril 1646, il quitte Paris avec cette troupe. Il passe les douze années suivantes à parcourir les provinces du royaume, principalement la Guyenne, le Languedoc, la vallée du Rhône, le Dauphiné, la Bourgogne, avec des séjours réguliers à Lyon, parfois longs de plusieurs mois. Même si une chronologie complète n'a pas pu être établie, on a repéré la présence de la troupe à Agen, Toulouse, Albi, Carcassonne, Poitiers, Grenoble, Pézenas, Montpellier, Vienne, Dijon, Bordeaux, Narbonne, Béziers et Avignon (voir carte ci-contre).

À cette époque, des troupes itinérantes ? on en compte une petite quinzaine ? sillonnent les routes de France, menant le plus souvent une vie précaire, dont Scarron a brossé un tableau haut en couleur dans son Roman comique en 1651. En dépit de la célèbre déclaration formulée le par Louis XIII à l'initiative de Richelieu, déclaration qui levait l'infamie pesant sur les comédiens, l'Église continue, dans de nombreuses villes, petites ou grandes, de s'opposer aux représentations théâtrales. Quelques troupes cependant jouissent d'un statut privilégié, qu'elles doivent à la protection d'un grand seigneur amateur de fêtes et de spectacles. C'est le cas de celle que dirige alors le comédien Charles Dufresne et qui est entretenue depuis vingt ans par les puissants ducs d'Épernon, gouverneurs de Guyenne.

C'est cette troupe qui, au cours de l'année 1646, recueille les Béjart et Molière, lequel sera progressivement amené à en prendre la direction. Dès 1647, elle est appelée à jouer pour le comte d'Aubijoux, lieutenant-général du roi pour le Haut-Languedoc, « grand seigneur éclairé, libertin et fastueux », qui lui assure une « gratification annuelle considérable », l'invitant à se produire à Pézenas, Béziers, Montpellier.

Buste gravé d'un homme à perruque, cuirassé, de profil, regardant le spectateur.
Armand de Bourbon, prince de Conti.

Durant l'été 1653, le prince de Conti, qui, après avoir été l'un des principaux chefs de la Fronde, capitule à Bordeaux et se rallie au pouvoir royal, quitte Bordeaux pour venir s'installer avec sa cour dans son château de la Grange des Prés à Pézenas. Il est à présent le troisième personnage du royaume. En septembre, la troupe de Dufresne-Molière est invitée à y donner la comédie devant le prince et sa maîtresse. Ce sera le début d'une étroite relation intellectuelle entre le prince et le comédien, dont Joseph de Voisin, confesseur de Conti, témoignera quinze ans plus tard :

« Monseigneur le prince de Conti avait eu en sa jeunesse tant de passion pour la comédie qu'il entretint longtemps à sa suite une troupe de comédiens, afin de goûter avec plus de douceur le plaisir de ce divertissement ; et ne se contentant pas de voir les représentations du théâtre, il conférait souvent avec le chef de leur troupe, qui est le plus habile comédien de France, de ce que leur art a de plus excellent et de plus charmant. Et lisant souvent avec lui les plus beaux endroits et les plus délicats des comédies tant anciennes que modernes, il prenait plaisir à les lui faire exprimer naïvement, de sorte qu'il y avait peu de personnes qui pussent mieux juger d'une pièce de théâtre que ce prince. »

Molière et ses camarades pourront dès lors se prévaloir, dans tous les lieux où ils joueront, de la protection et des largesses de « Son Altesse Sérénissime le prince de Conti ». Le musicien et poète d'Assoucy, qui passe plusieurs mois avec eux en 1655, décrit une troupe accueillante où l'on fait bonne chère et qui jouit d'une large prospérité.

En 1653 ou 1655, alors qu'elle séjourne à Lyon, la troupe crée L'Étourdi ou les Contretemps, première « grande comédie » de Molière, largement imitée d'une pièce italienne. Exploitant des procédés typiques de la commedia dell'arte, Molière donne au rôle de Mascarille, qu'il interprète, une exceptionnelle importance, le faisant paraître dans 35 des 41 scènes que compte la pièce ; ce qui fait écrire à l'historienne Virginia Scott que Molière avait alors « découvert que son véritable talent était dans la comédie, même s'il n'avait pas encore abandonné tout espoir d'être reconnu comme acteur tragique » ? comme le montrent les portraits en habit de César peints par Sébastien Bourdon et les frères Mignard.

Au cours de cette période, Molière compose aussi un certain nombre de farces. Citant l'une de ces petites pièces, Le Docteur amoureux, que la troupe devait jouer en devant le roi, La Grange écrira : « Cette comédie et quelques autres de cette nature n'ont point été imprimées : il les avait faites sur quelques idées plaisantes, sans y avoir mis la dernière main, et il trouva à propos de les supprimer lorsqu'il se fut proposé pour but, dans toutes ses pièces, d'obliger les hommes à se corriger de leurs défauts. Comme il y avait longtemps qu'on ne parlait plus de petites comédies, l'invention en parut nouvelle, et celle qui fut représentée ce jour-là divertit autant qu'elle surprit tout le monde. »

Ces farces obtiennent un vif succès, comme en témoigne le contemporain Donneau de Visé, qui souligne ce qu'elles doivent aux Italiens :

« Molière fit des farces qui réussirent un peu plus que des farces et qui furent plus estimées dans toutes les villes que celles que les autres comédiens jouaient. Ensuite il voulut faire une comédie en cinq actes et les Italiens ne lui plaisant pas seulement dans leur jeu, mais encore dans leurs comédies, il en fit une qu'il tira de plusieurs des leurs, à laquelle il donna pour titre L'Étourdi ou Les Contretemps. »

Grimarest met également l'accent sur l'inspiration italienne de ces farces : « Il avait accoutumé sa Troupe à jouer sur le champ de petites Comédies, à la manière des Italiens. Il en avait deux entre autres, que tout le monde en Languedoc, jusqu'aux personnes les plus sérieuses, ne se lassaient point de voir représenter. C'étaient Les Trois Docteurs rivaux, et Le Maître d'École, qui étaient entièrement dans le goût Italien. » Pour sa part, Henry Carrington Lancaster note que, si Molière a écrit de courtes farces, « elles peuvent avoir été inspirées par la commedia dell'arte aussi bien que par les survivances provinciales de la vieille farce française ». Adaptées à un public qui avait pour l'improvisation « un goût vif et naturel », ces farces, dont la plupart ne nous sont pas parvenues, ont recours, selon des recherches récentes, aux « mêmes ressources dramatiques que celles qui [faisaient] le succès de la commedia dell'arte [?] adoptant une forme de jeu scénique qui était jusqu'alors l'apanage des Italiens, comme le lazzo (acrobatie verbale et gestuelle), le quiproquo et, bien sûr, l'humour bouffon ». Divers spécialistes ont identifié dans les pièces de cette époque des modules dramatiques facilement réutilisables d'une pièce à une autre, dans lesquels la répétition de phrases ou de sections de phrase peut se prolonger de façon élastique ? procédé typique du théâtre improvisé ?. En ce sens, Molière peut être vu, selon Claude Bourqui, comme « l'héritier de la commedia dell'arte », voire, selon un critique anglais, comme le « dramaturge comique suprêmement italien que l'Italie n'a jamais produit ». En même temps, loin d'être un imitateur servile, Molière a transcendé ce répertoire par la cohérence de sa vision et l'arrimage délibéré du ressort comique à des questions pertinentes pour ses contemporains, ainsi que l'avait noté La Grange, cité plus haut.

Deux femmes sur la gauche semblent vouloir s'éloigner d'un personnage de marquis derrière lequel se tient un valet.

En 1656, le prince de Conti, « converti aux valeurs chrétiennes les plus rigoureuses », retire sa protection à la troupe et lui interdit de porter plus longtemps son nom. Au cours du mois de , Molière fait représenter à Béziers sa deuxième « grande comédie », Le Dépit amoureux, pour les États de Languedoc.

Dans les dernières semaines de l'automne 1657, la troupe séjourne à Avignon. Molière s'y lie d'amitié avec les frères Nicolas et Pierre Mignard, qui peignent plusieurs portraits de lui et un tableau le représentant en dieu Mars étreignant Vénus-Madeleine Béjart.

Au début de 1658, la troupe, qui est dès lors considérée comme la meilleure « troupe de campagne » du royaume, décide de gagner Paris pour tenter de s'y implanter. Les comédiens commencent par se rendre à Rouen, d'où Molière et Madeleine Béjart peuvent faire aisément des allers et retours à la capitale, afin de trouver une salle et de s'assurer les appuis nécessaires.

Le début de la gloire

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Le théâtre du Petit-Bourbon

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Portrait à mi-corps, d'un homme assis, portant une ample robe de chambre, tenant des deux mains un registre.
Dessin aux trois crayons de Molière en 1658 par Roland Lefèvre.
Peinture ovale en couleur. Buste d'homme de profil, portant perruque, regardant le spectateur.
Molière par Pierre Mignard (1658).
Portrait de trois-quarts d'un homme portant cuirasse, écharpe et épée, un bras appuyé sur un casque.
Portrait de Philippe d'Orléans, dit « Monsieur », frère unique de Louis XIV, par Henri Gascar (1635-1701).

Au début de l'automne 1658, Molière et ses camarades (Dufresne, Madeleine, Joseph, Geneviève et Louis Béjart, Edme et Catherine de Brie, Marquise Du Parc et son mari René, dit Gros-René) sont agréés par Philippe d'Orléans, dit « Monsieur », frère unique du roi, qui leur accorde sa protection. Le , ils se produisent au Louvre devant Louis XIV, Anne d'Autriche, Mazarin et les comédiens de l'hôtel de Bourgogne. Ils jouent successivement Nicomède de Corneille et une farce de Molière qui n'a pas été conservée, Le Docteur amoureux.

À la suite de cet « examen réussi », la salle de théâtre du Petit-Bourbon, vaste et bien équipée, est mise à leur disposition. Ils l'occuperont pendant deux ans, jouant en alternance avec Scaramouche et ses camarades de la troupe italienne. C'est sans doute durant cette période que Molière perfectionne son jeu en étudiant les techniques du grand acteur comique qu'était Tiberio Fiorilli.

La « Troupe de Monsieur » commence à représenter le . Outre de vieilles pièces, la troupe joue L'Étourdi et Le Dépit amoureux, qui sont fort bien accueillis. Au cours du relâche de Pâques 1659, Dufresne prend sa retraite, laissant à Molière l'entière direction de la troupe. Entrent deux acteurs comiques, le célèbre « enfariné » Jodelet et son frère L'Espy, ainsi que Philibert Gassot, sieur Du Croisy et Charles Varlet, sieur de La Grange. Ce dernier a laissé un registre personnel, conservé à la Comédie-Française, dans lequel il notait les pièces jouées, la recette et ce qu'il jugeait important de la vie de la troupe. Ce document permet de suivre dans le détail le répertoire joué par Molière à partir de 1659.

Peinture ancienne d'une femme debout, de face, tenant un mouchoir, vêtue d'une robe longue, portant collier et chapeau.
Madeleine Béjart dans le rôle de Magdelon, dite Polyxène, des Précieuses ridicules (peinture sur marbre).

Le , Molière fait représenter une nouvelle pièce, la « petite comédie » des Précieuses ridicules, dans laquelle il joue le rôle du valet Mascarille. Satire féroce du snobisme et du jargon de certains salons parisiens mis en vogue notamment par Madeleine de Scudéry, la pièce remporte un vif succès et crée un effet de mode. Selon le « nouvelliste » Jean Donneau de Visé, « le succès fut tel qu'on venait à Paris de vingt lieues à la ronde afin d'en avoir le divertissement ». Le sujet est copié et repris. Molière fait imprimer sa pièce à la hâte parce qu'on tente de la lui voler, ainsi qu'il s'en explique dans une préface qui ne manque pas de piquant. C'est la première fois qu'il publie, il a désormais le statut d'auteur.

Plusieurs hauts personnages ? ministres, financiers et autres « grands seigneurs », dont le prince de Condé, de retour d'exil ? invitent la troupe à venir représenter Les Précieuses dans leurs hôtels. De retour de Saint-Jean-de-Luz, où il est allé épouser l'infante Marie-Thérèse d'Espagne, Louis XIV voit la pièce le . Deux jours plus tard, il verra Sganarelle ou le Cocu imaginaire, « petite comédie » en vingt-trois scènes en vers, qui sera, jusqu'à la mort de Molière, la comédie la plus souvent représentée par la troupe. Cette pièce suscite un tel intérêt qu'il s'en publie rapidement une édition pirate, due à Neuf-Villenaine, pseudonyme de Donneau de Visé. Dans l'épître de cette édition, intitulée « À un ami », ce dernier écrit :

« Ses pièces ont une si extraordinaire réussite, puisque l'on n'y voit rien de forcé, que tout y est naturel, que tout y tombe sous le sens, et qu'enfin les plus spirituels confessent que les passions produiraient en eux les mêmes effets qu'elles produisent en ceux qu'il introduit sur la scène. »

La nouvelle troupe suscite dans le public parisien un véritable engouement, qu'elle doit moins aux tragédies qu'elle continue sans succès de mettre à l'affiche, qu'aux comédies de Molière, qui vont constituer peu à peu l'essentiel du répertoire.

Le , le frère cadet de Molière, Jean III Poquelin, meurt. La charge de tapissier et valet de chambre du roi revient de nouveau à l'aîné. Il la gardera jusqu'à sa mort. Elle impliquait qu'il se trouve chaque matin au lever du roi, un trimestre par an. Dans son acte d'inhumation, il sera dit « Jean-Baptiste Poquelin de Molière, tapissier, valet de chambre du roi ». Selon la préface de son ?uvre parue en 1682, « son exercice de la comédie ne l'empêchait pas de servir le Roi dans sa charge de valet de chambre où il se rendait très assidu ».

Le , Antoine de Ratabon, surintendant des bâtiments du roi, donne l'ordre d'entamer les travaux de démolition du Petit-Bourbon, pour faire place à la future colonnade du Louvre. Une nouvelle salle, située dans le Palais-Royal, demeure de Philippe d'Orléans et Henriette d'Angleterre, est mise à la disposition de la Troupe de Monsieur, qui la partagera, là encore, avec les comédiens italiens.

Le théâtre du Palais-Royal

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Portrait de Louis XIV, par Charles Le Brun.
Gravure représentant au premier plan un palais et au second, un jardin.
Le Palais-Royal vers 1679.
Le théâtre est à droite de l'entrée du palais. Molière s'installe dans le quartier, dans un appartement au second étage de la troisième maison de la rue Saint-Thomas-du-Louvre.

La salle du Palais-Royal, entièrement rénovée, ouvre ses portes le . Le , la troupe y crée une nouvelle pièce de Molière, la comédie héroïque Dom Garcie de Navarre, dans laquelle il tient le rôle-titre aux côtés de Madeleine Béjart. Mais elle ne donnera lieu qu'à sept représentations consécutives, et ce fiasco, qui marque la fin des espoirs de l'acteur Molière pour s'imposer dans le genre tragique ? alors considéré comme « le plus haut genre théâtral » ?, ramène définitivement l'auteur sur le terrain de la comédie. Cette ?uvre aujourd'hui délaissée n'en reste pas moins un moment charnière dans la carrière de Molière dramaturge. Jean de Beer écrit : « C'est dans Dom Garcie de Navarre qu'il entend pour la première fois quel son peut rendre sa présence dans ses ouvrages ; à cet égard, la pièce est importante, importante comme ?uvre, importante comme date. [?] Dans Dom Garcie, Molière pressent Alceste et Célimène, Amphitryon, et même Le Tartuffe et Les Femmes savantes lui devront quelque chose. »

Hostile à l'emphase qui prévalait alors dans l'interprétation de la tragédie, Molière était partisan d'une diction « naturelle », « modulée en fonction du sens du texte » et ce souci du naturel se révèle aussi dans son style, qui cherche « à prêter à chacun sa langue ». Grimarest, qui enseignait lui-même la déclamation, fournira plus tard un autre élément susceptible d'expliquer l'échec que Molière rencontra dans les rôles sérieux :

« Dans les commencements qu'il monta sur le théâtre, [Molière] reconnut qu'il avait une volubilité de langue dont il n'était pas le maître et qui rendait son jeu désagréable ; et des efforts qu'il faisait pour se retenir dans la conversation, il s'en forma un hoquet qui lui demeura jusques à la fin. Mais il sauvait ce désagrément par toute la finesse avec laquelle on peut représenter. Il ne manquait aucun des accents et des gestes nécessaires pour toucher le spectateur [?] Il est vrai qu'il n'était bon que pour représenter le comique. Il ne pouvait entrer dans le sérieux, et plusieurs personnes assurent qu'ayant voulu le tenter, il réussit si mal la première fois qu'il parut sur le théâtre qu'on ne le laissa pas achever. Depuis ce temps-là, dit-on, il ne s'attacha qu'au comique. »

Le , la troupe crée L'École des maris, une petite comédie en trois actes. Le succès est tel que le surintendant des finances Nicolas Fouquet passe commande à Molière d'un spectacle pour la fête à laquelle il a convié le roi et sa cour pour le , dans le cadre somptueux de son château de Vaux-le-Vicomte.

C'est la première fois que Molière crée une pièce pour la cour. Connaissant le goût de Louis XIV pour les ballets, il crée un nouveau genre, la comédie-ballet, intégrant comédie, musique et danse : les entrées de ballet ont le même sujet que la pièce et sont placées au début et dans les entractes de la comédie. Ce seront Les Fâcheux, pochade en trois actes et en vers, « conçue, faite, apprise et représentée en quinze jours », s'il faut en croire son auteur. Le roi ayant observé qu'un fâcheux auquel Molière n'avait pas pensé méritait sa place dans la galerie, Molière modifie rapidement le contenu de sa pièce pour y ajouter la scène du chasseur importun (Acte II, scène 6). Pour concevoir et mettre au point le spectacle dans lequel s'insère sa comédie et qui intègre la musique et la danse, Molière a collaboré avec Jean-Baptiste Lully pour la musique, Pierre Beauchamp pour la danse et Giacomo Torelli pour la scénographie. À partir de septembre, le spectacle, donné au Palais-Royal avec « ballets, violons, musique » et en faisant « jouer des machines », rencontre un public nombreux et lui aussi enthousiaste. La saison est une des meilleures de la troupe.

Cette première comédie-ballet (Molière en composera quatre ou cinq autres) soulève l'enthousiasme de La Fontaine, qui écrit à son ami Maucroix : « C'est un ouvrage de Molière : / Cet écrivain, par sa manière, / Charme à présent toute la cour. / De la façon que son nom court, / Il doit être par-delà Rome. / J'en suis ravi, car c'est mon homme. »

Mariage et paternité

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Reproduction en noir et blanc d'un tableau d'une femme en robe à mi-corps.
« Mademoiselle Molière » : portrait d'Armande Béjart.
Reproduction d'une page manuscrite portant des signatures.
Dernière page du contrat de mariage entre Molière et Armande Béjart.

Le , Molière signe un contrat de mariage avec Armande Béjart, « âgée de vingt ans ou environ », qu'il épouse religieusement le . Dans les deux occasions, la jeune femme est dite fille de Joseph Béjart et Marie Hervé, et s?ur de Madeleine Béjart, son aînée de vingt ans ou plus. Toutefois, certains contemporains voient en elle la fille de Madeleine. C'est ce qu'affirmera Nicolas Boileau en 1702, et c'est la thèse que Grimarest défendra trois ans plus tard dans sa Vie de M. de Molière, précisant même qu'Armande est une fille que Madeleine a eue avant de connaître le jeune Poquelin, de « Monsieur de Modène, gentilhomme d'Avignon ». De fait, Esprit de Rémond de Modène et la jeune Madeleine Béjart ont eu le une fille qui, huit jours plus tard à l'église Saint-Eustache, a reçu le prénom de Françoise, et ils seront, en 1665, respectivement parrain et marraine d'Esprit-Madeleine Poquelin, fille de Molière et d'Armande.

Les historiens s'accordent à voir la future « Mademoiselle Molière » (Armande Béjart) dans la jeune « M Menou » qui, en 1653, jouait le rôle d'une néréide dans une représentation de l'Andromède de Corneille donnée à Lyon par Molière et ses camarades.

L'acte de baptême d'« Armande Grésinde Claire Élisabeth Béjart » aurait pu établir sa véritable filiation, mais il n'a pas été présenté lors de la signature du contrat de mariage, et il n'a jusqu'à présent pas été retrouvé.

L'incertitude née de la grande différence d'âge entre les deux « s?urs » Béjart sera exploitée par les ennemis de Molière, qui, à plusieurs reprises au cours de la décennie suivante, insinueront qu'Armande serait la propre fille de Molière et de son ancienne maîtresse. Ainsi, dans une requête présentée à Louis XIV au plus fort de la « querelle de L'École des femmes » (voir ci-dessous), le comédien Montfleury, ridiculisé par Molière dans L'Impromptu de Versailles, accusera celui-ci « d'avoir épousé la fille et d'avoir autrefois couché avec la mère ».

Molière et Armande auront quatre enfants dont une seule fille atteignant l'âge adulte. Leur premier fils, Louis, baptisé le avec pour parrain Louis XIV et pour marraine Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, mais cet enfant meurt à huit mois et demi. Ils auront ensuite une fille, Esprit-Madeleine, baptisée le , morte en 1723, à 57 ans sans descendance ; une autre fille, Marie, morte peu après sa naissance à la fin de l'année 1668 et un deuxième fils, Pierre, baptisé le et mort le mois suivant.

Ce mariage a fait couler beaucoup d'encre. La jeune Armande, au dire de ses détracteurs, aimait se faire courtiser par une foule d'admirateurs, au grand dam d'un Molière fort jaloux et dont les rieurs se moquaient d'autant plus qu'il avait mis en scène des personnages de mari trompé : « Si vous voulez savoir pourquoi presque dans toutes ses pièces il raille tant les cocus et dépeint si naturellement les jaloux, c'est qu'il est du nombre de ces derniers. » Ce thème sera exploité dans la pièce Élomire hypocondre (1670) et, plus encore, dans la biographie romancée La Fameuse Comédienne (1688), qui dresse de « la Molière » un portrait extrêmement négatif. Grimarest, qui s'appuie sur les souvenirs de Baron et de nombreux témoignages, laisse entendre que le couple n'était pas heureux et présente Armande comme « une coquette outrée ». Dans les moments difficiles, Molière se retirait dans la maison qu'il louait dans le village d'Auteuil depuis le milieu de la décennie 1660-1670. Toujours amoureux de sa femme, il l'aurait décrite sous les traits de Lucile dans Le Bourgeois gentilhomme (Acte III, scène 9).

Le temps des polémiques

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La querelle de L'École des femmes

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Une femme debout, de profil, devant un homme assis.
Frontispice de François Chauveau pour l'édition originale de 1663.

Le , la troupe crée L'École des femmes, quatrième grande comédie de Molière, dans laquelle il bouscule les idées reçues sur le mariage et la condition des femmes. Le succès, éclatant, consacre Molière comme grand auteur. C'est de cette période, en particulier, que les historiens datent le début de ses relations avec Nicolas Boileau, qui fait paraître en ses célèbres Stances à Molière dans lesquelles il défend vigoureusement la pièce : « En vain mille esprits jaloux, / Molière, osent avec mépris / Censurer ton plus bel ouvrage [?] ».

Cependant, quelques littérateurs en quête de notoriété ? au premier rang desquels Jean Donneau de Visé et Charles Robinet, rédacteur de la Gazette dite de Renaudot, soutenus dans l'ombre par les frères Pierre et Thomas Corneille ? pointent dans la pièce ce qu'ils feignent de considérer comme des indices d'immoralité, telle la fameuse scène du « le? » (Acte II, scène 5), et d'impiété, telle la prétendue parodie de sermon dans les recommandations d'Arnolphe à Agnès, et des commandements divins dans les Maximes du mariage ou les devoirs de la femme mariée, avec son exercice journalier (Acte III, scène 2).

À cela s'ajoutent des comédies jouées par la troupe concurrente de l'hôtel de Bourgogne, qui mettent en cause la moralité de Molière et l'attaquent sur sa vie privée. La querelle de L'École des femmes va durer plus d'un an et nourrir les entretiens des salons parisiens.

Molière, qui semble avoir d'abord bien accueilli la publicité que lui attiraient ces critiques, réplique une première fois en au Palais-Royal par La Critique de l'École des femmes, dans laquelle un des personnages revient sur le scandale provoqué par la scène du « le? ». Faisant valoir « ses mérites d'auteur et d'inventeur de la psychologie comique », il montre que l'art de la comédie est plus exigeant que celui de la tragédie :

« Uranie : La tragédie, sans doute, est quelque chose de beau quand elle est bien touchée ; mais la comédie a ses charmes, et je tiens que l'une n'est pas moins difficile à faire que l'autre.
? Dorante : Assurément, madame ; et quand, pour la difficulté, vous mettriez un plus du côté de la comédie, peut-être que vous ne vous abuseriez pas. Car enfin, je trouve qu'il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins, et dire des injures aux dieux, que d'entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. »

En juin, Louis XIV fait dispenser ses premières « gratifications aux gens de lettres ». Molière, qui fait partie des bénéficiaires, compose et fait paraître à cette occasion un Remerciement au Roi en vers libres. Sa gratification sera renouvelée tous les ans jusqu'à sa mort.

En octobre, il présente devant la cour L'Impromptu de Versailles, sorte de « comédie des comédiens », dans laquelle il met en scène sa propre troupe en train de répéter et demande solennellement à ses ennemis de cesser de l'attaquer sur sa vie privée.

L'interdiction du Tartuffe

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Portrait en pied d'un homme en costume de scène, les yeux au ciel.
Coquelin aîné dans le rôle de Tartuffe, peint par Eduard Charlemont (1848-1906). « Ah ! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme. »
Ordonnance de Hardouin de Péréfixe du 11 août 1667, portant défense de lire ou entendre réciter la comédie de L'Imposteur, sous peine d'excommunication.
Ordonnance de Hardouin de Péréfixe du .

Le , dans le salon de la reine-mère Anne d'Autriche au Louvre, Molière présente devant la famille royale une comédie-ballet, Le Mariage forcé, dans laquelle il reprend son personnage de Sganarelle et où Louis XIV danse, costumé en Égyptien.

Du au , la troupe de Monsieur est à Versailles pour les fêtes des Plaisirs de l'île enchantée, qui sont en quelque sorte l'inauguration des jardins de Versailles. C'est un véritable « festival Molière » et sa troupe contribue beaucoup aux réjouissances des trois premières journées. Le deuxième jour, elle crée La Princesse d'Élide, « comédie galante, mêlée de musique et d'entrées de ballet » dont Molière, pressé par le temps, n'a pu versifier que le premier acte et une scène du deuxième.

Le soir du 12, alors qu'une partie des invités du roi a regagné Paris, la troupe crée une nouvelle comédie de Molière intitulée, semble-t-il, Le Tartuffe ou l'Hypocrite. Cette première version en trois actes est chaudement applaudie par le roi et ses invités. Le lendemain pourtant, ou le surlendemain, Louis XIV se laisse convaincre par son ancien précepteur, le tout nouvel archevêque de Paris Hardouin de Péréfixe, d'interdire les représentations publiques de la pièce ? ce qui ne l'empêchera pas de la revoir quatre mois plus tard, en privé, avec une partie de la Cour, au château de Villers-Cotterêts, résidence de son frère Philippe d'Orléans.

Cette satire de la fausse dévotion, en plaçant la religion sous un jour comique sinon ridicule, scandalise les milieux dévots. La pièce de Molière prend en effet position sur une question éminemment politique, celle de la séparation de l'Église et de l'État : « L'hypocrisie de Tartuffe [?] pose le problème, propre à la société catholique, depuis la Renaissance et le concile de Trente, du respect des frontières entre sacerdoce et laïcat, entre morale cléricale et morale civile, entre espace sacré et espace public laïc. »

Quelques semaines après la première représentation, le curé Pierre Roullé, farouche adversaire du jansénisme, publie un opuscule intitulé Le Roy glorieux au monde, ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les Roys du monde, dans lequel il traite Molière de « démon vêtu de chair et habillé en homme ». Molière se défend par un premier Placet présenté au Roi, à l'été 1664, dans lequel il cite les outrances de ce pamphlet comme contraires au jugement favorable qu'avait d'abord donné le roi et invoque pour sa défense le but moral de la comédie :

« Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j'ai cru que, dans l'emploi où je me trouve, je n'avais rien de mieux à faire que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle ; et comme l'hypocrisie sans doute en est un des plus en usage, des plus incommodes et des plus dangereux, j'avais eu, Sire, la pensée que je ne rendrais pas un petit service à tous les honnêtes gens de votre royaume, si je faisais une comédie qui décriât les hypocrites et mît en vue comme il faut toutes les grimaces étudiées de ces gens de bien à outrance, toutes les friponneries couvertes de ces faux-monnayeurs en dévotion, qui veulent attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistique. »

Louis XIV ayant confirmé l'interdiction de représenter la pièce en public, Molière entreprend de la remanier pour la rendre conforme à son argumentation. On sait, par une lettre du duc d'Enghien, qu'au début de l'automne 1665 il est en train d'ajouter un quatrième acte aux trois actes joués à Versailles l'année précédente.

À la fin de , Molière profite d'un passage du roi chez son frère et sa belle-s?ur à Saint-Cloud pour obtenir l'autorisation de représenter une nouvelle version en cinq actes. La pièce s'appelle désormais L'Imposteur et Tartuffe y est renommé Panulphe. Créé le au Palais-Royal devant une salle comble, le spectacle est immédiatement interdit sur ordre du premier président du Parlement, Guillaume de Lamoignon ? chargé de la police en l'absence du roi ?, interdiction redoublée le par l'archevêque de Paris, qui fait défense à ses diocésains, sous peine d'excommunication, de représenter, lire ou entendre la pièce incriminée. Molière tente d'obtenir l'appui de Louis XIV en écrivant un Second placet, que La Grange et La Thorillière sont chargés d'aller présenter au roi, qui fait alors le siège de Lille. Cette démarche reste sans succès.

Pour que la pièce soit définitivement autorisée, sous le titre Le Tartuffe ou l'Imposteur, il faudra attendre encore un an et demi et la fin de la guerre contre les jansénistes, ce qui donne à Louis XIV les coudées franches en matière de politique religieuse. Cette autorisation intervient au moment exact de la conclusion définitive de la Paix clémentine, aboutissement de longues négociations entre, d'un côté, les représentants du roi et le nonce du pape Clément IX et, de l'autre, les représentants des « Messieurs » de Port-Royal et des évêques jansénistes. La coïncidence est frappante : l'accord étant conclu en , c'est le qu'une médaille commémorant la Paix de l'Église est frappée. Et c'est le , deux jours avant la première du Tartuffe, que le nonce du pape remet à Louis XIV deux « brefs » dans lesquels Clément IX se déclarait entièrement satisfait de la « soumission » et de l'« obéissance » des quatre évêques jansénistes.

Le Tartuffe définitif est ainsi créé le . C'est le triomphe de Molière, sa pièce le plus longtemps jouée (72 représentations jusqu'à la fin de l'année) et son record de recettes.

Triomphe et mise en cause du Festin de Pierre, puis protection royale

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Page imprimée ancienne, sur deux colonnes.
L'annonce du Festin de Pierre dans La Muse historique du .

Le dimanche , la troupe de Monsieur crée Le Festin de Pierre ou l'Athée foudroyé, comédie de Molière qui constitue la troisième adaptation française de la légende de Don Juan. C'est un triomphe : la recette dépasse même celles de L'École des femmes, et les suivantes s'accroîtront encore durant les deux premières semaines du carême.

Donné quinze fois jusqu'au , le spectacle n'est pas repris après le relâche de Pâques. Le texte de Molière ne sera édité qu'après sa mort et il faudra attendre cent cinquante ans pour qu'il soit rejoué sur une scène française.

Au cours du relâche de Pâques, un libraire spécialisé dans la publication de pièces de théâtre, et en particulier celles qui ont été créées à l'hôtel de Bourgogne, met en vente un libelle au titre presque anodin : Observations sur une comédie de Molière intitulée « Le Festin de Pierre », dans lequel un « sieur de Rochemont », dont on ignore aujourd'hui encore la véritable identité, s'en prend avec une extrême violence à Molière et à ses deux dernières pièces : Le Tartuffe et Le Festin de Pierre. Le succès de ce pamphlet est immédiat et massif, comme l'atteste l'existence d'une dizaine d'impressions, éditions et contrefaçons différentes.

Deux partisans de Molière prennent sa défense quelques mois plus tard : le premier n'a jamais été identifié ; le second serait Jean Donneau de Visé selon René Robert et François Rey. Ils seront rejoints en août par Charles Robinet, ancien détracteur de Molière et principal rédacteur de la Gazette dite de Renaudot.

Le roi fait taire les adversaires de Molière en prenant la troupe sous sa protection. Selon François Rey, l'événement aurait eu lieu le , dans le cadre d'une grande fête donnée par Louis XIV à Versailles et où la troupe de Molière a été appelée à jouer Le Favori de M Desjardins, qu'elle vient de créer au Palais-Royal. Ce jour-là, écrira plus tard La Grange dans son Registre, en se trompant apparemment de date et de lieu, « le Roi dit au sieur de Molière qu'il voulait que la troupe dorénavant lui appartînt, et la demanda à Monsieur. Sa Majesté donna en même temps six mille livres de pension à la troupe, qui prit congé de Monsieur, lui demanda la continuation de sa protection et prit ce titre : La Troupe du Roi au Palais-Royal ». Désormais, les trois troupes françaises de Paris sont directement sous l'autorité royale.

L'apogée de sa carrière

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Gravure. Buste d'homme de face portant chapeau. Légende: Molière en 1668.
Portrait de Molière en 1668 dans le rôle d'Harpagon, d'après un dessin d'Élisabeth-Sophie Chéron.

Contrairement à une idée reçue depuis le XX siècle, on ne voit pas que Molière ait eu à souffrir des polémiques occasionnées par ses trois pièces réputées les plus audacieuses. Comédies-ballets créées à la cour et comédies unies créées à la ville ou à la cour alternent avec un succès qui se dément rarement jusqu'à la mort de Molière en . Et les critiques qui ont cru que Le Misanthrope, créé en , manifestait le désarroi de Molière face aux difficultés rencontrées par Le Tartuffe n'ont sans doute pas pris suffisamment en compte le témoignage, il est vrai tardif, de Nicolas Boileau, selon lequel Le Misanthrope aurait été entrepris dès le commencement de 1664, c'est-à-dire parallèlement au Tartuffe.

Certes, Molière dut patienter cinq ans avant que son Tartuffe reçoive enfin l'autorisation d'être représenté en public, et il lui fallut transformer sa pièce pour en gommer le côté trop manifeste de satire de la dévotion. L'Église et les dévots ne furent cependant pas dupes et continuèrent de juger la pièce dangereuse. Si Molière n'a jamais voulu renoncer à cette pièce, quoique interdite, c'est qu'il se savait soutenu par les personnages les plus puissants de la cour, à commencer par le roi lui-même, et qu'il était certain qu'une comédie qui ridiculisait les dévots attirerait la foule dans son théâtre.

Parallèlement, Molière put donner l'impression de s'orienter vers des sujets en apparence inoffensifs : c'est du moins ainsi que l'interprétèrent les critiques du XX siècle. En fait, Molière passa d'une satire à une autre, en apparence plus inoffensive et moins dangereuse : celle de la médecine et des médecins ? dont plusieurs chercheurs ont montré les liens avec la satire anti-religieuse.

La troupe

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La troupe est d'une stabilité exemplaire. À Pâques 1670, elle compte encore trois acteurs du temps de l'Illustre Théâtre : Molière, Madeleine Béjart et sa s?ur Geneviève. Sept en faisaient partie lors des débuts à Paris (les mêmes plus Louis Béjart et le couple De Brie). Neuf y jouent depuis le remaniement de 1659 (les mêmes, plus La Grange et Du Croisy).

Peinture à mi-corps d'un homme à cheveux longs, portant une sorte manteau à col de fourrure.
Michel Baron vers 1670, par Claude Lefèbvre.

Les nouveaux sont La Thorillière (1662), Armande Béjart (1663) et André Hubert (1664). Un seul départ volontaire : celui de Marquise Du Parc, qui, à Pâques 1667, passe à l'hôtel de Bourgogne, où elle créera le rôle-titre de l'Andromaque de Racine. Un seul départ à la retraite : celui de L'Espy, frère de Jodelet. En 1670, Louis Béjart demande à son tour à quitter le métier ; il a 40 ans. Les comédiens s'engagent à lui verser une pension de 1000 livres aussi longtemps que la troupe subsiste.

En , le jeune Michel Baron, alors âgé de 17 ans, entre dans la troupe. Molière tenait tellement à l'y avoir qu'il avait obtenu une lettre de cachet du roi pour l'enlever, malgré son contrat, à la troupe de campagne dont il faisait partie. Ce dernier a une part et le couple Beauval, comédiens chevronnés, une part et demie. La compagnie compte désormais huit comédiens et cinq comédiennes, pour douze parts et demie.

Madeleine Béjart meurt le , un an jour pour jour avant Molière. Elle est inhumée sans difficulté sous les charniers de l'église Saint-Paul. Elle a en effet reçu les derniers sacrements, après avoir signé (sous la contrainte) l'acte de renonciation solennelle à la profession de comédienne. Elle jouissait d'une large aisance. Son testament favorise grandement sa s?ur (ou sa fille) Armande.

Pour les comédiens de Molière, c'est la prospérité. Pour les cinq dernières saisons (1668-1673), le bénéfice total annuel de la troupe ? revenus du théâtre, gratifications pour les représentations privées données à des particuliers, gratifications du roi et pension du roi ? s'élève en moyenne à 54 233 livres, contre 39 621 livres les cinq saisons précédentes, à répartir en douze parts environ.

Molière est riche. Roger Duchêne a calculé que, pour la saison 1671-1672, sa femme et lui ont reçu 8 466 livres à eux deux pour leurs parts de comédiens, plus ce que Molière a eu de la troupe comme auteur et ce que les libraires lui ont versé pour la publication de ses pièces. Il s'y ajoute les rentes des prêts qu'il a consentis et les revenus qu'Armande tire de l'héritage de Madeleine, soit au total plus de 15 000 livres, l'équivalent, ajoute Duchêne, du montant de la pension que verse Louis XIV au comte de Grignan pour exercer sa charge de lieutenant général au gouvernement de la Provence.

Durant les quatorze saisons de son activité parisienne, entre 1659 et 1673, la troupe a joué quatre-vingt-quinze pièces pour un total de 2 421 représentations, publiques ou privées.

Les sept dernières saisons de Molière

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Gravure coloriée. Jourdain, de profil, parade en costume chamarré, une main sur la hanche.
« Monsieur Jourdain : Suivez-moi, que j'aille un peu montrer mon habit par la ville. »
Scaramouche et Élomire, représentés tous deux sur une scène, bras levés.
« Scaramouche enseignant, Élomire étudiant », détail du frontispice d'Élomire hypocondre, une comédie satirique, représentant à droite Molière (Élomire) en costume de théâtre, « s'appliquant, une petite glace dans la main droite, à copier les gestes, attitudes et jeux de physionomie » de Tiberio Fiorilli, dit Scaramouche.

Saison 1665-1666 : le , la Troupe du Roi crée devant la cour réunie à Versailles L'Amour médecin, comédie-ballet en trois actes et en prose. Ce « petit impromptu » a été, écrit Molière dans sa préface, « proposé, fait, appris et représenté en cinq jours ».

 : très longue interruption des représentations de la troupe. Le bruit court que Molière est malade.

Saison 1666-1667 : en mars, paraît la première véritable édition de ses ?uvres complètes en deux volumes et à pagination continue. Elle contient neuf pièces et est imprimée et mise en vente par un cartel de huit libraires, avec des « lettres [de privilège] obtenues par surprise », ce qui amènera Molière à confier la publication de sa comédie suivante, Le Misanthrope, à un libraire, Jean Ribou, qui en 1660 avait piraté Les Précieuses ridicules et Sganarelle ou le Cocu imaginaire.

Le , il donne la première représentation publique du Misanthrope, sa 16 pièce, dans laquelle il joue le rôle d'Alceste. Cette « grande comédie » est une pièce « ambigüe et particulièrement riche [?] qui représente un point d'équilibre entre toutes les expériences dramaturgiques de Molière ». Au lieu de montrer un amoureux dont les desseins sont contrariés par un rival ou un père intransigeant, le protagoniste y est son propre adversaire. La pièce sera jouée 299 fois jusqu'à la fin du règne de Louis XIV (1715).

Le , au Palais-Royal, Molière crée Le Médecin malgré lui, qu'il appelle une « petite bagatelle ». Selon son contemporain Subligny : « Cette bagatelle est d'un esprit si fin / Que [?] / L'estime qu'on en fait est une maladie / Qui fait que dans Paris tout court au Médecin. »

Le , la troupe part à Saint-Germain pour de grandes fêtes données par le roi, qui mobilisent toutes les troupes de Paris et dureront jusqu'au . Elle joue dans le Ballet des Muses et donne trois comédies (Pastorale comique, Mélicerte et Le Sicilien). Le poète de la cour Benserade écrit à cette occasion : « Le célèbre Molière est dans un grand éclat / Son mérite est connu de Paris jusqu'à Rome. / Il est avantageux partout d'être honnête homme / Mais il est dangereux avec lui d'être un fat. »

Mars- : maladie de Molière.

Le , première du Sicilien à Paris. La recette est la plus faible jamais réalisée par la création d'une pièce de Molière. Celle-ci est toutefois considérée comme la meilleure partition musicale de Lully, grâce à « un heureux équilibre entre l'alternance des intermèdes musicaux, le parlé, le chanté et les ensembles vocaux ».

Le , création de L'Imposteur, réécriture du Tartuffe, interdit immédiatement. Ordonnance de Péréfixe qui menace d'excommunication toute personne qui verrait, lirait ou écouterait cette pièce. Molière se retire de la scène pendant plusieurs mois.

Saison 1667-1668 : le , Amphitryon, comédie en trois actes et en vers libres adaptée de Plaute, est créé au Palais-Royal. Le roi et la cour assistent à la 3 représentation aux Tuileries.

Outre son appartement parisien, Molière loue une maison à Auteuil, où il se retire pour lire et se reposer, et où il invite ses amis, notamment Chapelle.

Saison 1668-1669 : c'est une saison faste. Pour célébrer la paix d'Aix-la-Chapelle (), le roi donne à sa cour des fêtes grandioses. Plus de deux mille personnes assistent au Grand Divertissement royal, pastorale avec chants et danse. La musique est de Lully, le texte de Molière. La comédie George Dandin est enchâssée dans la pastorale.

L'Avare, comédie en cinq actes et en prose, est créé le au Palais-Royal. Après Amphitryon créé en janvier, c'est la deuxième pièce adaptée de Plaute en une année. Molière la jouera 47 fois dans son théâtre. Les recettes, assez modestes, montrent à l'évidence que le public ne s'est pas passionné pour la pièce, alors que celle-ci deviendra l'un de ses plus grands succès. L'Avare est parfois caractérisé, à l'instar du Misanthrope et des Femmes savantes, comme une « comédie sérieuse », Harpagon n'étant pas un personnage entièrement comique. Le triomphe du Tartuffe, enfin joué librement le , va faire oublier le relatif échec de L'Avare.

Saison 1669-1670 : la troupe a suivi la cour à Chambord du au . C'est là qu'est joué Monsieur de Pourceaugnac, nouvelle comédie-ballet, où « l'action comique s'intègre à ce qui devient un spectacle total, auquel tous les arts sont appelés à participer ». La pièce est plus dure pour les médecins que Le Malade imaginaire, aussi âpre que L'Amour médecin. Reprise à Paris en novembre, elle y obtient un vif succès.

Pour le carnaval, un spectacle est commandé à Molière : ce seront Les Amants magnifiques, comédie en cinq actes et en prose, « mêlée de musique et d'entrées de ballet ». Le spectacle donné à Saint-Germain, en , « dépasse en pompe et en magnificence toutes les représentations antérieures [?] Le roi participe au ballet dans le rôle de Neptune, puis d'Apollon ».

Peinture. Buste d'un homme en perruque regardant le spectateur.
Jean-Baptiste Lully.

Saison 1670-1671 : Louis XIV, qui vient de recevoir à Versailles l'ambassadeur ottoman Soliman Aga, veut donner à sa cour une comédie-ballet où des Turcs apparaissent sur scène à leur désavantage. Molière compose le texte, Lully la musique : l'ensemble donne Le Bourgeois gentilhomme. Le texte et l'intrigue n'ont ici qu'une importance secondaire, l'accent étant mis sur le côté spectaculaire d'une pièce qui se termine dans une « apothéose burlesque ». Donnée sept fois devant la cour en , puis au Palais-Royal à partir du , la pièce est « si populaire que tout Versailles et Paris en chantaient les airs ».

En , dans la grande salle des Tuileries, la Troupe du Roi crée devant la cour la tragédie-ballet de Psyché. Pressé par le temps, Molière a dû demander l'aide de Pierre Corneille et Philippe Quinault pour la versification. La musique est de Lully. La jeune Esprit Madeleine Poquelin joue le rôle d'une petite Grâce accompagnant Vénus.

Saison 1671-1672 : Les Fourberies de Scapin, créées le , sont un échec : 18 représentations seulement, avec des recettes de plus en plus faibles. À croire que le public a partagé l'opinion que Boileau exprimera deux ans plus tard dans son Art poétique : « Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe, / Je ne reconnais pas l'auteur du Misanthrope. » La pièce connaîtra le succès après la mort de Molière : 197 représentations de 1673 à 1715.

En , le roi commande pour l'arrivée de la nouvelle épouse de Monsieur un ballet, La Comtesse d'Escarbagnas, joué plusieurs fois devant la cour.

Le , Les Femmes savantes, septième et dernière grande comédie en cinq actes et en vers de Molière, est créée au Palais-Royal. C'est un franc succès : 1 735 livres de recette. Bussy-Rabutin estime que c'est « un des plus beaux ouvrages de Molière ». La pièce sera affichée sans discontinuer jusqu'au , en deçà et au-delà du relâche de Pâques. Le roi la verra deux fois, la première à Saint-Cloud, le , la seconde le à Versailles ; ce sera alors la dernière fois que Molière jouera à la cour.

Portion de plan ancien de Paris avec ajout de numéros pour les logis.
Logis de Molière de 1658 à 1673.

Le , Molière et sa famille s'installent rue de Richelieu, dans une vaste maison à deux étages avec entresol.

Le , la troupe donne la première représentation du Malade imaginaire, « comédie mêlée de musique et de danse » employant huit chanteurs et nombre de danseurs et musiciens. Loin d'être secondaires, les intermèdes musicaux occupent plus d'une heure dans la pièce et la musique de Charpentier, « soumise au sens des paroles, leur prête une force expressive plus grande ». C'est un succès : « Les trois premières représentations rapportèrent respectivement 1 992, 1 459 et 1 879 livres. » La quatrième sera fatale à Molière.

Avec Monsieur de Pourceaugnac (1669), Le Bourgeois gentilhomme (1670) et Le Malade imaginaire (1673), Molière est parvenu, écrit Georges Forestier, « à sublimer à la fois la formule de la farce et celle de la comédie-ballet dans un spectacle total où le ballet rythme le déroulement de la comédie, où la farce déborde la comédie pour rendre burlesque le ballet, où le déguisement, arme ordinaire des habiles contre le personnage ridicule, devient mascarade à laquelle on force celui-ci à participer ». En même temps, comme le fait remarquer Ramon Fernandez, Monsieur de Pourceaugnac présente « un monde cynique, indifférent au bien et au mal », comme c'était déjà le cas dans Amphitryon, George Dandin et L'Avare : Molière s'est désintéressé de la leçon morale de la comédie.

Le conflit avec Lully et la réponse de Molière

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Estampe représentant la scène de Versailles
Le Malade imaginaire à Versailles. Par suite du conflit de Molière avec Lully, le roi ne verra la pièce de Molière avec la musique de Charpentier qu'en 1674 à Versailles, devant la grotte de Thétis. Gravure de Jean Le Pautre.
Marc-Antoine Charpentier.

À partir de 1664, et pendant huit ans, Molière et Lully, surintendant de la musique royale, collaborent avec succès, Lully composant la musique des comédies de Molière pour les grandes fêtes royales. Comme Molière, il pensait jusqu'alors l'opéra en français impossible. Le succès de Pomone, premier opéra français, le fait changer d'avis. En , Lully obtient du roi l'exclusivité des spectacles chantés et interdit aux troupes théâtrales de faire chanter une pièce entière sans sa permission. La troupe de Molière proteste, une bonne partie de son répertoire étant constituée de comédies-ballets. Le , le roi lui accorde la permission d'employer 6 chanteurs et 12 instrumentistes, à peu près l'effectif utilisé par son théâtre.

Le , La Comtesse d'Escarbagnas est donnée au Palais-Royal avec une musique nouvelle de Marc-Antoine Charpentier, récemment revenu de ses études à Rome. En septembre, un nouveau privilège accorde à Lully la propriété des pièces dont il fera la musique. Molière confie aussi à Marc-Antoine Charpentier les intermèdes musicaux de pièces anciennes qu'il reprend, tel Le Mariage forcé dont le trio burlesque « La, la, la, la, bonjour » est resté célèbre.

Le goût du roi va à l'opéra, au détriment de ce que pratique Molière, attaché à l'importance du texte parlé et à la primauté de l'écrivain sur le musicien. Mais le roi aime aussi la comédie. Le succès du Bourgeois gentilhomme ? pièce qui annonce à beaucoup d'égards Le Malade imaginaire ? et le triomphe de Psyché avec une musique de Marc-Antoine Charpentier au Palais-Royal, le , lui ont aussi confirmé que la troupe peut prospérer en jouant des pièces avec ballets et parties chantées pour le seul public parisien.

« Malade imaginaire » et maladie réelle : légendes et réalités

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Depuis le XVIII et surtout le XIX siècle, amateurs de Molière et historiens se sont interrogés sur la santé de cet auteur qui a été emporté par la maladie au sortir de la quatrième représentation du Malade imaginaire, le 17 février 1673, et ils ont reconstruit l'histoire de sa santé à partir de la fin. Découvrant que Molière était resté éloigné du théâtre à deux reprises en février 1666 et en avril 1667 et qu'on avait alors craint pour sa vie ? le 1666, le protestant Élie Richard écrit à son cousin Élie Bouhéreau, qui habite Dublin : « Molière qu'on a cru mort se porte bien. » et en avril 1667 le gazetier Charles Robinet écrit : « Le bruit a couru que Molière / Se trouvait à l'extrémité / Et proche d'entrer dans la bière. » ? ils en ont déduit que des rumeurs avaient commencé à courir sur sa santé dès 1665 et qu'il aurait rechuté en 1666, premières atteintes du mal qui allait le ronger puis l'emporter huit ans plus tard. En fait, les gazetiers, qui ont continué à signaler les maladies et les fièvres qui mettaient en danger les personnages les plus importants de Paris et de la Cour et qui avaient les yeux constamment fixés sur Molière, n'ont plus jamais signalé quelque maladie, quelque défaillance, quelque accès de fièvre et ont manifesté, comme tous les contemporains, une surprise extrême à l'annonce de sa mort (voir l'article Mort de Molière).

De la même manière, les historiens ont lu au sens littéral des passages contenus dans une comédie-pamphlet intitulée Élomire hypocondre (1670) : « C'est une grosse toux, avec mille tintouins / Dont l'oreille me corne. » Mais la lecture de l'ensemble du texte fait découvrir au contraire que c'est un Molière en pleine forme qui énonce ce symptôme et que sa femme se désespère de voir qu'il se croit malade alors qu'il a toute sa santé : l'intention de l'auteur d'Élomire hypocondre était de retourner contre Molière la satire anti-médicale contenue dans la plus récente comédie-ballet de Molière (Monsieur de Pourceaugnac) et de présenter Molière comme un hypocondriaque qui se croit malade et veut consulter des médecins et des guérisseurs qui se moquent de lui.

Dans la préface de l'édition posthume des ?uvres de Monsieur de Molière, attribuée à La Grange, un comédien entré dans la troupe en 1659 et qui y est resté jusqu'à la fin, ce dernier écrit :

« Lorsqu'il commença les représentations de cette agréable comédie [Malade imaginaire], il était malade en effet d'une fluxion sur la poitrine qui l'incommodait beaucoup, et à laquelle il était sujet depuis quelques années. Il s'était joué lui-même sur cette incommodité dans la cinquième scène du second Acte de L'Avare, lorsqu'Harpagon dit à Frosine : « Je n'ai pas de grandes Incommodités Dieu merci, il n'y a que ma fluxion qui me prend de temps en temps ; » À quoi Frosine répond : « Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser. » Cependant, c'est cette toux qui a abrégé sa vie de plus de vingt ans. »

Après la mort de Molière, aucune des très nombreuses épitaphes qui circuleront dans les semaines et les mois suivants ne laissera pourtant entendre que Molière était malade ; bien au contraire, beaucoup joueront avec le paradoxe que Molière, à jouer le malade et à feindre le mort en scène, a été rattrapé par la maladie et par la mort qui s'est ainsi vengée.

C'est à partir d'un roman biographique diffamatoire entièrement tourné contre Armande Béjart (La Fameuse Comédienne, anonyme, 1688) qu'est apparu le thème d'un Molière hanté par les infidélités de sa femme et progressivement rongé par la jalousie au point de s'en rendre de plus en plus malade. La même idée sera reprise par son premier biographe, Grimarest (La Vie de M. de Molière, 1705), ouvrage qui pourrait ensuite avoir influencé divers recueils de souvenirs sur le grand comédien. Ainsi lit-on, sous la plume de Jacques de Losme de Montchesnay (1666-1740), confident de Boileau, l'anecdote selon laquelle cet ami de Molière lui aurait conseillé de quitter le théâtre, du moins comme acteur :

« Deux mois avant la mort de Molière, M. Despréaux alla le voir et le trouva fort incommodé de sa toux et faisant des efforts de poitrine qui semblaient le menacer d'une fin prochaine. Molière, assez froid naturellement, fit plus d'amitié que jamais à M. Despréaux. Cela l'engagea à lui dire : Mon pauvre M. Molière, vous voilà dans un pitoyable état. La contention continuelle de votre esprit, l'agitation continuelle de vos poumons sur votre théâtre, tout enfin devrait vous déterminer à renoncer à la représentation. À quoi le comédien aurait répondu : « Ah, Monsieur ! répondit Molière, que me dites-vous là? Il y a un honneur pour moi à ne point quitter ». »

La maladie devait toutefois progresser et se transformer en bronchite chronique pour finalement dégénérer en pneumonie ou en pleurésie. C'est à partir de ces divers témoignages ? considérés comme de simples « anecdotes » par plusieurs spécialistes ?, que l'histoire de la création de sa dernière comédie a été reconstituée. Il est en effet frappant qu'en 1673, Molière crée au Palais-Royal une comédie mêlée de musique (de Marc-Antoine Charpentier) et de danses, Le Malade imaginaire, sa trentième pièce, dans laquelle il joue le personnage d'Argan, qui doit feindre d'être mort et dont une des répliques est précisément : « N'y a-t-il point quelque danger à contrefaire le mort ? » Beaucoup de critiques ont dès lors estimé que le choix d'un tel sujet ne saurait être attribué à une pure coïncidence. Patrick Dandrey y voit « une forme d'exorcisme, de dénégation symbolique du mal ». D'autres critiques ont reconstitué tout le parcours de Molière à partir de cette dernière pièce, tel Gérard Defaux, selon qui Molière était certainement conscient qu'il allait livrer sa dernière pièce :

« À considérer [cette pièce] dans une perspective aussi globale que possible, celle de l'?uvre entière, de sa cohérence interne, de son déroulement parfaitement maîtrisé, de son dynamisme et de sa croissance pour ainsi dire organiques, l'impression s'impose très vite que Molière a composé sa dernière comédie en sachant qu'elle serait la dernière, qu'il allait bientôt mourir et que ses jours étaient comptés. Non seulement parce que la maladie, imaginaire ou non, en fournit le sujet, et que, même en apparence surmontée, l'angoisse de la mort y est bien évidemment partout présente. Mais aussi, et surtout, parce que cette comédie constitue une véritable somme de sa pensée et de son art, en quelque sorte son testament comique. »

Une mort légendaire

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Les circonstances

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Page manuscrite.
Page du Registre de La Grange relatant la mort de Molière.
Peinture. Le mourant assis dans un fauteuil, les deux s?urs agenouillées en prière à ses côtés.
Molière mourant assisté de deux s?urs de la charité, toile de Pierre-Auguste Vafflard (1806).

Le , un an jour pour jour après la mort de Madeleine Béjart, la Troupe du Roy donne la quatrième représentation du Malade imaginaire. Molière, qui y tient le rôle d'Argan, se sent plus fatigué qu'à l'ordinaire par sa « fluxion de poitrine », mais il refuse d'annuler la représentation. Selon le témoignage de La Grange (ci-contre), la mort serait survenue sur les dix heures du soir au 40, rue de Richelieu, ce que confirme la requête qu'Armande Béjart, veuve du défunt, a fait parvenir à l'archevêque de Paris, et dans laquelle elle fournit divers détails omis par Grimarest, notamment les allées et venues qui ont duré plus d'une heure et demie pour trouver un prêtre. Cette requête est le témoignage le plus fiable avec celui de La Grange.

L'idée selon laquelle il fut pris d'un malaise sur scène et qu'il était « si fort travaillé de sa fluxion qu'il eut de la peine à jouer son rôle » n'apparaît que dans des récits romancés postérieurs qui s'accordent seulement sur le fait qu'il mourut quelques heures plus tard.

Se fondant sur les souvenirs très peu fiables (si l'on en croit ses contemporains) de l'acteur Michel Baron, Grimarest a donné un récit circonstancié de cette fin, entièrement centré sur le seul Baron, qui sera repris sous des formes plus ou moins épurées par les historiens des XVIII et XIX siècles, alors même qu'il est par avance contredit par le texte de la requête présentée par Armande Béjart à l'archevêque de Paris au lendemain de la mort de Molière :

« Les comédiens tinrent les lustres allumés, et la toile levée, précisément à quatre heures. Molière représenta avec beaucoup de difficulté, et la moitié des spectateurs s'aperçurent qu'en prononçant juro dans la cérémonie du Malade imaginaire, il lui prit une convulsion. Ayant remarqué lui-même que l'on s'en était aperçu, il se fit un effort et cacha par un ris forcé ce qui venait de lui arriver. Quand la pièce fut finie, il prit sa robe de chambre et fut dans la loge de Baron, et il lui demanda ce que l'on disait de sa pièce. [?]. Baron après lui avoir touché les mains qu'il trouva glacées les lui mit dans son manchon pour les réchauffer. Il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui. [?] Quand il fut dans sa chambre, Baron voulut lui faire prendre du bouillon, dont la Molière avait toujours provision pour elle, car on ne pouvait avoir plus de soin de sa personne qu'elle en avait. « Eh ! non, dit-il, les bouillons de ma femme sont de vraie eau forte pour moi ; vous savez tous les ingrédients qu'elle y fait mettre : donnez-moi plutôt un petit morceau de fromage de Parmesan. » La Forest lui en apporta ; il en mangea avec un peu de pain, et il se fit mettre au lit. Il n'y eut pas été un moment qu'il envoya demander à sa femme un oreiller rempli d'une drogue qu'elle lui avait promis pour dormir. « Tout ce qui n'entre point dans le corps, dit-il, je l'éprouve volontiers ; mais les remèdes qu'il faut prendre me font peur ; il ne faut rien pour me faire perdre ce qui me reste de vie. » Un instant après, il lui prit une toux extrêmement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. « Voici dit-il du changement ! » Baron, ayant vu le sang qu'il venait de rendre s'écria avec frayeur. « Ne vous épouvantez point, lui dit Molière, vous m'en avez vu rendre bien davantage. Cependant, ajouta-t-il, allez dire à ma femme qu'elle monte. » Il resta, assisté de deux s?urs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter durant le carême, et auxquelles il donnait l'hospitalité. Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l'on pouvait attendre de leur charité [?] Enfin il rendit l'esprit entre les bras de ces deux bonnes s?urs. Le sang qui sortait par sa bouche en abondance l'étouffa. Ainsi, quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. »

L'inhumation

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Photo récente du fauteuil dans une vitrine de musée.
Fauteuil utilisé par Molière lors de sa dernière représentation, exposé à la salle Richelieu de la Comédie-Française. Il est de tradition qu'au jour anniversaire de sa naissance, ce fauteuil descende des cintres au milieu de la troupe au grand complet.

Molière n'ayant pas signé de renonciation à sa profession de comédien, il ne peut recevoir une sépulture religieuse, car le rituel du diocèse de Paris subordonne l'administration des sacrements à cette renonciation faite par écrit ou devant un prêtre. L'Église est embarrassée. Le curé de Saint-Eustache ne peut, sans faire scandale, l'enterrer en faisant comme s'il n'avait pas été comédien. Et, de l'autre côté, refuser une sépulture chrétienne à un homme aussi connu risque de choquer le public. La solution est de s'adresser à l'archevêque de Paris, ce que fait Armande le dans sa requête, où elle affirme que, des trois prêtres de la paroisse de Saint-Eustache auxquels elle a fait appel pour porter l'extrême-onction à Molière, deux ont refusé de venir et le troisième est arrivé trop tard. Pour plus de sûreté, elle va se jeter aux pieds du roi, qui la « congédie brusquement » tout en faisant écrire à l'archevêque « d'aviser à quelque moyen terme ». Ce dernier, après enquête, « eu égard aux preuves » recueillies, permet au curé de Saint-Eustache d'enterrer Molière, à condition que cela soit « sans aucune pompe et avec deux prêtres seulement, et hors des heures du jour et qu'il ne sera fait aucun service pour lui, ni dans la dite paroisse, ni ailleurs ». Molière est donc enterré de nuit le 21 février dans le cimetière de la chapelle Saint-Joseph.

Le récit de la cérémonie est fait par un témoin anonyme sur un pli adressé à un prêtre de l'église Saint-Joseph :

« Mardi 21 février 1673, sur les neuf heures du soir, l'on a fait le convoi de Jean-Baptiste Poquelin Molière, tapissier, valet de chambre, illustre comédien, sans autre pompe sinon de trois ecclésiastiques ; quatre prêtres ont porté le corps dans une bière de bois couverte du poêle des tapissiers ; six enfants bleus portant six cierges dans six chandeliers d'argent ; plusieurs laquais portant des flambeaux de cire blanche allumés. Le corps pris rue de Richelieu devant l'hôtel de Crussol, a été porté au cimetière de Saint-Joseph et enterré au pied de la croix. Il y avait grande foule de peuple et l'on a fait distribution de mille à douze cents livres aux pauvres qui s'y sont trouvés, à chacun cinq sols. Ledit sieur Molière était décédé le vendredi au soir 17 février 1673. Monsieur l'Archevêque avait ordonné qu'il fût ainsi enterré sans aucune pompe, et même défendu aux curés et religieux de ce diocèse de faire aucun service pour lui. Néanmoins l'on a ordonné quantité de messes pour le défunt. »

Le suivant, La Gazette d'Amsterdam consacre un article à la mort et à l'enterrement de Molière. Du 13 au suivant, on procède à un inventaire de ses biens.

La fin brutale d'un comédien aussi célèbre et controversé donne lieu à une centaine d'épitaphes et de poèmes. La plupart expriment de l'hostilité à l'égard de Molière, d'autres célèbrent ses louanges, comme l'épitaphe composée par La Fontaine :

Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y gît :
Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit,
Dont le bel art réjouissait la France.
Ils sont partis, et j'ai peu d'espérance
De les revoir, malgré tous nos efforts ;
Pour un long temps, selon toute apparence,
Térence et Plaute et Molière sont morts.

Photo des tombes Molière (premier plan) et La Fontaine (second plan).
Tombes de La Fontaine et de Molière au cimetière du Père-Lachaise.

Le , désireuses d'honorer les cendres des grands hommes, les autorités révolutionnaires font exhumer les restes présumés de Molière, et ceux de La Fontaine, qui repose dans le même lieu. L'enthousiasme étant retombé, les dépouilles restent de nombreuses années dans les locaux du cimetière, puis sont transférées en l'an VII au musée des monuments français. Après la suppression du musée en 1816, les cercueils sont transportés au cimetière de l'Est, l'actuel Père-Lachaise, où ils reçoivent une place définitive le .

Épilogue

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Une semaine après la mort de Molière, les représentations reprennent : Le Misanthrope d'abord, avec Baron dans le rôle d'Alceste, puis Le Malade imaginaire, avec La Thorillière dans celui d'Argan. Au cours de la clôture de Pâques, Baron, La Thorillière et le couple Beauval quittent la troupe pour rejoindre l'hôtel de Bourgogne ; un mois plus tard, le roi reprend aux camarades de Molière la salle qu'il avait accordée en 1660 à la « troupe de Monsieur » et la donne à Lully, afin d'y représenter ses spectacles d'opéra.

Tableau à l'aquarelle de la scène, du parterre et des loges de côté.
Intérieur de la Comédie-Française en 1790.

En 1680, un décret royal fait obligation à la Troupe du Roy à l'hôtel de Guénégaud de fusionner avec la Troupe Royale de l'hôtel de Bourgogne : c'est la naissance de la Comédie-Française. La nouvelle compagnie, assez nombreuse pour se partager entre Paris et les lieux de résidence de la cour, joue désormais tous les jours de la semaine, et non plus seulement les « jours ordinaires de comédie ».

En 1682, La Grange, à qui Armande Béjart avait remis tous les papiers de son défunt mari, publie les ?uvres de Monsieur de Molière en huit tomes, dont les deux derniers, intitulés ?uvres posthumes, donnent à lire pour la première fois des pièces que Molière n'avait jamais fait paraître. Selon certains, La Grange n'aurait pas hésité à modifier les dialogues de plusieurs comédies ; ce faisant, il inaugurait une pratique éditoriale qui s'est prolongée jusqu'à aujourd'hui. Le premier volume s'ouvre sur une préface non signée mais assurément composée par La Grange et qui constitue la première notice biographique consacrée à Molière.

En 1705, Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest publie, sous le titre de La Vie de M. de Molière, la première véritable biographie du « Térence français », dont une grande partie des éléments lui a été fournie par le comédien Michel Baron et qui, maintes fois rééditée en dépit des critiques dont elle a été l'objet dès sa parution, reste un document incontournable.

En 1723, la postérité de Molière s'éteint avec la mort de sa fille, Esprit-Madeleine Poquelin.

La vie de Molière reste encore mal connue. Nous ne possédons de lui ni lettres, ni brouillons, ni mémoires. Les maisons dans lesquelles il a vécu ont disparu. Les seuls restes tangibles de son existence sont un ensemble d'actes notariés signés de sa main et le fauteuil dans lequel il a eu un malaise lors de sa dernière représentation (reproduit plus haut).


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  46. ? Grimarest, La Vie de Mr de Molière, p. 16.
  47. ? Moland 1863, p. 249.
  48. ? Giuliani & Vinciguerra 2015, p. 8.
  49. ? Andrews 2005, p. 451-452.
  50. ? Bourqui 2003, p. 112.
  51. ? « the supreme Italian comic dramatist whom Italy itself never produced. » (Andrews 2005, p. 459).
  52. ? Forestier 1990, p. 13-14.
  53. ? René-Thomas Coèle, « Madeleine Béjart et Molière, modèles des peintres Nicolas Mignard et Pierre Mignard. Avignon, 1657 », Revue d'histoire du théâtre, 1957, IV, p. 276-290.
  54. ? Jean Donneau de Visé, « Abrégé de la vie de Molière ».
  55. ? Chevalley 1973, p. 71-76.
  56. ? Lacroix 1876, p. 1 [lire en ligne].
  57. ? Lacroix 1876, p. 6 [lire en ligne].
  58. ? Forestier 1990, p. 15-16.
  59. ? Forestier 1990, p. 16.
  60. ? Hubert 1962, p. 24.
  61. ? Despois & Mesnard 1873, t.2, p. 20.
  62. ? Préface aux Précieuses Ridicules.
  63. ? Duchêne 1998, p. 745.
  64. ? P.-L. Jacob, La Veuve à la mode.
  65. ? Despois & Mesnard 1873, t.2, p. 158, Le Cocu imaginaire.
  66. ? Duchêne 1998, p. 246.
  67. ? Jurgens 1963, p. 552-553.
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  70. ? Forestier 1990, p. 48.
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  72. ? De Beer 1961, p. 78-79.
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  74. ? Antoine de Montfleury 1663 [lire en ligne].
  75. ? Grimarest 1705, p. 208.
  76. ? Forestier 1990, p. 19.
  77. ? Forestier 1990, p. 19-20.
  78. ? Forestier 1990, p. 20.
  79. ? Lettre à Maucroix, p. 120.
  80. ? Grimarest 1705, p. 20-21.
  81. ? Auguste Jal, Dictionnaire critique, p. 178-179, « accessible en ligne ».
  82. ? Scott 2000, p. 75.
  83. ? Élomire hypocondre, ou Les médecins vengez, comédie, par M. Le Boulanger de Chalussay sur Gallica
  84. ? Grimarest 1705, p. 80-82 ; 150 et 193.
  85. ? Le Mercure de France, mai 1740, p. 843, « consultable sur Gallica ».
  86. ? Accusations reprises par de Bourbon-Conti 1666, p. 87(24) et Bossuet, p. 33.
  87. ? Forestier-Bourqui 2012.
  88. ? La Critique de L'École des femmes, p. 511.
  89. ? Garapon 1977, p. 24-25.
  90. ? La Critique de l'École des femmes, p. 526.
  91. ? « Remerciement au Roi ».
  92. ? Forestier 1990, p. 22.
  93. ? Le Tartuffe, Acte III, scène 3, vers 966.
  94. ? La Grange, p. 62.
  95. ? Forestier 1990, p. 28.
  96. ? Forestier 1990, p. 28-29.
  97. ? Fumaroli 1996, p. 459-460.
  98. ? Louis XIV, le plus glorieux de tous les Roys, p. 282-283.
  99. ? Premier placet.
  100. ? Rey & Lacouture 2007, p. 273-278.
  101. ? Forestier 1990, p. 24.
  102. ? Pour plus de détails sur cette coïncidence, voir Rey & Lacouture 2007, p. 352-354.
  103. ? René Robert, « Des commentaires de première main sur les chefs-d'?uvre les plus discutés de Molière », Revue des sciences humaines, n 81,‎ , p. 19-49.
  104. ? Rey & Lacouture 2007, p. 215-218.
  105. ? Voir Rey & Lacouture 2007, p. 208, Forestier-Bourqui, t. 1, p. XCVIII et Picard 1969, p. 237.
  106. ? Lacroix 1876, p. 2-3 [lire en ligne].
  107. ? McKenna 2005.
  108. ? Duchêne 1998, p. 645.
  109. ? Chevalley 1973, p. 382-385.
  110. ? Acte III, scène 1.
  111. ? Léopold Lacour, Molière acteur, F. Alcan, , p. 13.
  112. ? Lacroix 1876, p. 18 [lire en ligne].
  113. ? « Au lecteur ».
  114. ? Voir Robinet, Lettre en vers à Madame du 21 février 1666, p. 712.
  115. ? Les ?uvres de Monsieur Molière.
  116. ? Guibert 1961, p. 564-565.
  117. ? Forestier 1990, p. 80.
  118. ? « Despois », t. 5, p. 365.
  119. ? Chevalley 1973, p. 239.
  120. ? Chevalley 1973, p. 241.
  121. ? Livret du Ballet des Muses.
  122. ? Chevalley 1973, p. 254.
  123. ? Pittion, p. 199.
  124. ? « Despois, t. 4, p. 322 ».
  125. ? Simon 1957, p. 11.
  126. ? Louis Moland, Molière à Auteuil.
  127. ? Chevalley 1973, p. 275-277.
  128. ? Chevalley 1973, p. 290-292.
  129. ? Dandrey 1998, p. 6.
  130. ? Defaux 1980, p. 251.
  131. ? Chevalley 1973, p. 308-310.
  132. ? Chevalley 1973, p. 305.
  133. ? Defaux 1980, p. 267.
  134. ? Voir Jurgens 1963, p. 197 et La fille de Molière et la musique.
  135. ? Gabriel Conesa, dans Forestier-Bourqui, t. 2, p. 1466-1467.
  136. ? Chevalley 1973, p. 335-336 et 354.
  137. ? Chevalley 1973, p. 346.
  138. ? Chevalley 1973, p. 348.
  139. ? Chevalley 1973, p. 358.
  140. ? Jurgens 1963, p. 133.
  141. ? Mazouer 1989, p. 149 et 152.
  142. ? Garapon 1977, p. 52.
  143. ? Forestier 1990, p. 83.
  144. ? Fernandez 1979, p. 213.
  145. ? Mazouer 1989, p. 146-148.
  146. ? Bray 1954, p. 1128-29.
  147. ? Bray 1954, p. 129.
  148. ? Mazouer 1989, p. 155.
  149. ? Chevalley 1973, p. 360.
  150. ? Mongrédien1965 tome 1, p. 257.
  151. ? Robinet, Lettre en vers à Madame, 16 avril 1667, Mongrédien 1965 tome 1, p. 282.
  152. ? Voir Bray 1954, p. 186 et Boullanger 1670, p. 2 et 19.
  153. ? La Grange & Vivot 1682, p. XVII.
  154. ? Voir Montchesnay 1742, p. 35-36. Le même échange est également rapporté avec de légères variations dans les Mémoires sur la vie de Jean Racine, p. 262
  155. ? D'après Duchêne 1998, p. 659 et la notice du Malade imaginaire dans Forestier-Bourqui, t. 2, p. 1543-1545.
  156. ? Le Malade imaginaire, Acte III, scène 11.
  157. ? Dandrey 1998, p. 573.
  158. ? Defaux 1980, p. 283.
  159. ? La Grange, p. 140.
  160. ? Jurgens 1963, p. 550-551.
  161. ? Filippi 2012, p. 181.
  162. ? Grimarest 1705, p. 287-292.
  163. ? Jean-Marie Galey, Comédie-française, Écriture, , p. 53.
  164. ? Mongrédien 1950, p. 225.
  165. ? Sainte-Beuve, Portraits littéraires, p. 60.
  166. ? Jurgens 1963, p. 552.
  167. ? Loiseleur 1877, p. 350.
  168. ? Cité dans Mongrédien1965, p. II. 478.
  169. ? Transcription intégrale dans Jurgens 1963, p. 554-584.
  170. ? Grimarest 1705, p. 168.
  171. ? Mémoires 1822, p. 103, note 1.
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