Nous sommes en Roumanie, en janvier 1945 : la population germanophone de Transylvanie vit dans la peur de la dportation. Cette mesure, exige par le nouvel alli sovitique de Bucarest, vise une population souponne d'avoir soutenu l'Allemagne nazie pendant la guerre. Le jeune Lopold sait qu'il est sur la liste. II prpare sa petite valise, des affaires chaudes, quelques livres, puis, quand la police roumaine vient le chercher, trois heures du matin, par moins quinze, il reoit les mots de sa grand-mre "Je sais que tu reviendras " comme un viatique. L'usine de charbon, la tuilerie, la cimenterie, des baraquements lmentaires, une ration de pain et deux rations de soupe par jour, les diarrhes et les poux : tel sera le quotidien de Lopold pendant cinq ans. "La bascule du souffle" nous invite lire la chronique terrifiante de ces annes de froid, de faim et de dcouragement qui tuent dans un camp de travail en Russie. Mais la singularit du livre de Herta Mller rside dans sa facult incomparable de transcender le rel, de l'illuminer de l'intrieur. Sous sa plume, le camp devient un conte cruel, une fable sur la condition humaine. Ici les arbres parlent, le ciment boit, la pendule a mal son ressort cass, la faim voyage dans le corps d'un ange, et le coeur, dans une pelle. Herta Mller souhaitait crire ce livre quatre mains avec le pote germano-roumain Oskar Pastior - le modle de Lopold - mais ce projet fut interrompu par la mort de Pastior. La prose de Herta Mller, potique et matrise, sche et puissante, toujours surprenante, lui rend hommage de la plus belle manire qui soit. Certes, La bascule du souffle aborde un tabou historique, mais s'impose surtout comme une oeuvre de porte universelle. Un vnement bouleversant.